La populace ne peut faire que des émeutes. Pour faire une révolution, il faut le peuple.
Victor Hugo
Anniversaire des émeutes de banlieues. Qu’en dirait notre vieil ami Victor ?
Double distinction : peuple/populace ; et : révolution/émeute.
On voit facilement l’opposition mélioratif/péjoratif. Mais qu’est-ce que ça recouvre ? Il n’est pas sûr que cette distinction nous parle encore aujourd’hui. Peut être elle être encore pertinente ?
On peut remonter à Rousseau pour comprendre ces distinctions : selon lui, il faut distinguer entre le troupeau humain et le peuple. Le troupeau est un agrégat d’individus n’ayant rien de commun, sauf le fait d’être réunis par une force extérieure : le berger, son chien et ses moutons, le maître et sa chiourme, le tyran et ses sujets, la passion furieuse et ses foules. Le peuple, quant à lui, est caractérisé par une décision commune : celle de former un peuple ou une nation (pratiquement synonyme ici), ou, si vous préférez, le sentiment d’appartenir à ce peuple-là.
On aura compris que l’émeute est une explosion de violence résultant d’un brusque accès de colère (ce qu’on appelait autre fois une émotion) ; en revanche la révolution est politique, et seul un peuple peut la penser. C’est ainsi que les peuples des pays de l’est se sont dotés de démocratie après l’effondrement du régime communiste.
Appliquons cette distinction à nos jours : tout le monde parle des « émeutes » des banlieues de novembre 2005 : c’est le fait de la populace (1). Doit-on craindre que cette populace reste ce qu’elle est, c’est à dire une foule sans revendication politique, avec ses accès de violence ? Ou bien devrait-on plutôt s’attendre à ce qu’elle forme un peuple : le peuple des banlieues ? Mais alors, attention à la révolution !
A moins qu’on ne sache (ré)intégrer cette populace dans le peuple qui se reconnaît français. (2)
(1) Ce terme est à préférer à « racaille » (= rebut de la société), qui est moins pertinent.
(2) Je sais, je m’expose à des réparties du genre : « J’suis aussi français que toi... Nique ta race ! ». Etre français, c’est se tenir pour concerné par des règles de bases de la citoyenneté (« civilité »)
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