On n'ose guère avouer que l'on voudrait les plaisirs du vice en récompense de la vertu.
Alain
Pouvons-nous nous passer du vice ? Certes, tout dépend de ce que vous consentirez à appeler vice. Alors, racontez-moi un peu ; c’est quoi votre vice ? (1). … Et puis non, gardez vos secrets, après tout la clandestinité fait partie de la jouissance ; de toute façon la vraie question n’est pas là.
Car la citation d’Alain pose cette autre question : pourquoi sommes-nous vertueux ? Et voilà ce que suggère Alain : nous voulons gagner sur tous les tableaux ; avoir, comme on dit, le beurre et l’argent du beurre ; la conscience tranquille de l’homme vertueux et la jouissance du vicieux. Pas très moral, ça. Mais il y a pire. Selon Alain, nous voudrions que la satisfaction de nos vices soit attachée à notre vertu comme sa récompense, j’allais dire, que le vice soit le mobile de la vertu. Comment peut-on oser demander une chose pareille !
Mais attendez : voilà un scandale pire encore que le précédent : qu’importe que nos plaisirs soient innocents ou coupables, il suffit que nous admettions que nous ne pratiquons la vertu que pour en être récompensés : là est la faute. On ne peut se réfugier dans le relativisme, du genre « le vice des uns est la vertu des autres ». C’est l’idée même de récompense qui est vicieuse : se conduire moralement exclut l’attente de la récompense.
Kant a même pris la peine d’en faire la théorie : on ne peut être vertueux que par devoir, et toute idée de récompense de la vertu (et qu’importe alors que ce soit une récompense vicieuse) ne doit être qu’une possibilité et non le mobile de notre action. La vertu me rend digne d’être heureux dit Kant. Mais je ne peux être vertueux pour être heureux.
Et donc la question initiale : pourquoi sommes-nous vertueux ? admet une réponse : nous ne sommes pas vertueux par aspiration au bonheur (même si ce n’est que la fierté d’avoir bien agi), mais par respect pour la loi morale. Un exemple ? Si je dois secourir mon prochain par respect pour l’humanité qu’il incarne, je dois le faire quelque soit le prochain en question : que ce soit un gentil citoyen ou un pouilleux infecte, c’est tout pareil.
Voilà. Vous ne direz plus que les philosophes ne s’intéressent qu’aux questions. La réponse, vous venez de la prendre, en plein dans la conscience !
(1) Et ne me dites pas que c’est un petit carré de chocolat avant de vous coucher ; ça ne marchera pas.
No comments:
Post a Comment