Pour moi, la femme est l'avenir de l'homme, au sens où Marx disait que l'homme est l'avenir de l'homme.
Louis Aragon - Entretien avec Thérèse de Saint-Phalle, "Le Monde" du 9 novembre 1963 (Aragon commente ainsi sa célèbre formule issue du Fou d’Elsa.)
Il est des phrases dont la petite musique nous berce sans que nous cherchions à savoir pourquoi. Nous n’avons pas à dire ce qu’elle signifie : elle existe ; elle est belle ; elle nous ravit.
Mais avouez qu’en cette période où, en politique, l’opinion publique commence à s’intéresser à la candidature d’une femme, Aragon apparaît comme l’homme perspicace.
Analyse.
D’abord, le sens de sa formule est explicable à partir de la référence à Marx. Nous sommes donc dans une perspective historique : il y a eu le temps où les hommes conduisaient l’humanité vers son progrès ; aujourd’hui ce sont aux femmes de le faire. Mais comment ?
Jean Ferrat en donne une interprétation dans sa célèbre chanson ; il veut y voir l’annonce de la fin des contraintes et des aliénations dont souffrent les femmes. Il en fait donc un manifeste féministe, du genre : « n’oublions pas qu’un homme sur deux est une femme ». Pourquoi pas ? Mais on voit le déficit de sens : selon Aragon les femmes ne doivent pas seulement libérer l’humanité des aliénations dont elles sont elles-mêmes victimes ; elles doivent aussi inventer l’avenir ; elles ; en tant que femmes.
Alors ça veut dire au moins deux choses :
- D’abord, avec les hommes - les « mecs » - l’histoire est en panne. Plus de moteur dans l’histoire, plus d’avancée : l’histoire se répète, ou plutôt elle bégaye. Voyez en Colombie le grève des jambes croisées (1) et puis lisez Lysistrata d’Aristophane.
- Ensuite, le changement, la rupture (2) à la quelle au moins une partie de la société aspire passe par la recherche d’un autre absolu : on ne veut plus d’un homme neuf ; plus de l’énarque d’une nouvelle promo. On veut le changement radical. On veut une femme, nous. Oui, nous qui sommes à la traîne question de parité.
En politique, des femmes c’est parce qu’on en n’a pas qu’on en veut (3)
(1) « A Pereira, en Colombie, les membres des bandes armées affrontent la grève du sexe. Leurs femmes ou leurs compagnes refusent tout rapport tant qu’ils n’auront pas renoncé à la violence. » (http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=66336) .
(2) Cf. commentaire du 18 septembre
(3) Propos machiste issu de mes gènes ; j’y peux rien.
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