Sunday, October 22, 2006

Citation du 22 octobre 2006

Le coup claque comme un col du fémur dans une salle de bains de général en retraite.
San Antonio

San Antonio est la Maître de la métaphore, ainsi qu’en témoigne cette citation. C’est une des raisons de son succès, et de l’intérêt des universitaires pour son œuvre.
Il y a plusieurs critères qui permettent d’évaluer une métaphore, et nous prendrons notre inspiration chez Paul Ricœur (1).
Ce qui frappe avant tout dans cette métaphore, c’est son caractère insolite : l’écart entre les deux termes de la comparaison est tel que nous ne pourrions imaginer la fin de la phrase si jamais il venait à manquer. C’est là une caractéristique de ce qu’on peut appeler une métaphore vive, par opposition à la métaphore morte. La force de la métaphore, c’est d’être surprenante dans la mesure où elle est neuve, inouïe au sens propre du terme ; mieux : c’est d’être enchâssée dans le texte comme si elle était née avec lui. Pas de métaphore vive sans l’acte créateur qui manifeste la présence d’un auteur, de sa vie et de son horizon ; et pas de métaphore vive sans changement, évolution, construction d’un contexte qui l’amène et qui l’exige . La métaphore morte en revanche est celle qui provient de la tradition, de la culture ; bref, c’est un cliché. A la limite on ne sait même plus qu’il s’agit d’une métaphore (ex : le pied de la chaise).
Alors on peut à présent dégager les limites de la métaphore chez San Antonio. On a l’impression que l’insolite prime dans le choix de celle-ci, comme si c’était une fin en soi. Or le rôle de la métaphore est de créer un contexte neuf qui alimente ou crée du sens (1). La «salle de bains de général en retraite » ne fait pas sens ici, c’est le moins qu’on puisse dire ; on serait même plutôt du coté du procédé des surréalistes, du genre : le verre d’eau et la parapluie associé à la phrase « Les vacances de Hegel » (2).
Bien entendu il nous manque pour en juger véritablement le contexte sans le quel aucune métaphore ne peut être véritablement jugée : il faudra nous reporter à l’œuvre.
L’intérêt véritable des citations n’est-il pas de nous conduire à lire les œuvres dont elles sont extraites ?


(1) Paul Ricœur - La métaphore vive - Le point - Seuil
(2) Voir commentaire de l’œuvre de Magritte du 19 mars.

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