C'est la force des dirigeants modernes d'avoir compris que la religion ayant cessé d'être l'opium du peuple, la loterie, fille du rêve et de la démocratie, qui pour un investissement modique promet l'égalité des chances, pouvait constituer une drogue de substitution.
Philippe Bouvard – Journal 1992-1996
Que n’a-t-on pas dit des jeux de hasard, Loterie, Loto, Truc-à-gratter ? Que c’était du rêve, que c’était un impôt volontaire, que les plus pauvres étaient paradoxalement ceux qui jouaient le plus ?
Tout ça est sans doute vrai. Mais on n’a pas pointé l’essentiel : les jeux de hasard, enfants du rêve et de la démocratie, assurent l’égalité des chances. A chaque tirage, le plus pauvre smicard a autant de chance de devenir riche que son patron. Le patron a le parachute doré, et l’ouvrier a l’OXO (1)
Mais on n’a pas dit devant quoi il y a rétablissement de l’égalité des chances : vivre aussi longtemps ? Séduire aussi facilement ? Devenir un savant nobélisable ?
Vous me direz que je fais le naïf, comme s’il n’était pas évident que c’est l’égalité devant tout ce qu’apporte l’argent. D’ailleurs les publicités pour la Française des jeux sont simples : elles nous promettent une vie de luxe, de farniente, de belles voitures, etc…
Mais rêver de devenir aussi riche que le patron, pour vivre ce qu’il vit (ou du moins ce qu’on en suppose), c’est déjà extrêmement ciblé. L’argent est capable de faire beaucoup d’autres choses.
- Comme de devenir un bienfaiteur de l’humanité comme Bill Gates sans se fatiguer autant que Sœur Emmanuel.
- Ou créer une Fondation pour l’art moderne, sans connaître le monde des artistes comme les Maeght.
- Ou de financer un fonds pour la recherche contre le cancer – ou le sida.
Mais en réalité, si les jeux sont l’opium du peuple, c’est parce qu’ils sont l’espérance d’avoir ce qui est là, juste à l’horizon du désir, à portée de regard mais pas à portée de main.
Dis-moi pourquoi tu joues, je te dirai qui tu es.
(1) Je fais le malin, mais en réalité je ne sais pas exactement ce que c’est sauf que c’est un machin pour savoir qu’on a (gagné ou) perdu presque instantanément.
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