Aimer un être, c'est le rendre transparent.
Jean Racine
Devenir transparent, voilà l’épreuve imposée à l’être aimé livré sans retrait possible au regard de l’autre…. (voir ici ce que Racine justement en concluait dans Phèdre)
Sartre le dira aussi : sous le regard de l’autre je suis nu comme un ver, ce qui veut dire que mon apparence est devenue ma réalité.
Mais la transparence ce n’est pas la nudité. Cette esquisse de Matisse est là pour en témoigner : Matisse, le maître de la blouse (1) a encore ici le talent de la rendre belle alors même qu’on ne devrait avoir qu’une envie : l’enlever !
Je vous laisse la contempler après avoir juste relevé deux points :
- d’abord la transparence de l’étoffe de la blouse n’est pas évidente, puisque celle-ci n’est que la continuation des motifs de la tapisserie (2)
- ensuite, cette transparence est mise en valeur par les seins qu’on devine à travers l’étoffe. Pour ceux qui connaissent Matisse, il est assez évident que les seins de ses modèles ne l’intéressent vraiment pas : mal fichus, invraisemblables, ils ne sont dessinés que parce qu’il le faut bien (je n’en dirai pas autant des hanches et des fesses). Mais ici, voilà qu’ils sont très corrects, et – disons-le – plutôt désirables. C’est qu’ils ont pour rôle d’accrocher le regard et de révéler la transparence de l’étoffe.
Concluons : la transparence est ici synthèse de la surface et de la profondeur (pour ne pas dire de l’apparence et de l’essence)
(1) La blouse chez Matisse : voir ici l’étonnante collection de blouses présentes dans ses œuvres
(2) Procédé courant chez Matisse qui refuse la rupture entre la peinture et la décoration
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