Saturday, April 25, 2009

Citation du 26 avril 2009

…l'ennui est la prolongation dans le spirituel d'un vide immanent de l'être. En comparaison, Langeweile [l'ennui] est seulement une absence d'occupation.

Cioran – De la France [L'Herne, 96 pages] (Lire des extraits ici)

Qu’est-ce que l’ennui ? Ceux qui manquent d’imagination répondront : « c’est avoir du temps en trop ». Ceux dont la lucidité n’est pas émoussée, diront : c’est la prolongation dans le spirituel d'un vide immanent de l'être.

Autrement dit, l’ennui est métaphysique. Après l’angoisse, l’ennui est le sentiment métaphysique par excellence.

Selon Cioran, les français sont ceux qui ont le mieux perçu cette dimension (contrairement aux allemands), et qui en ont le plus clairement tiré la conséquence. Et le 18ème siècle est celui où cet ennui s’est élucidé le plus clairement, dans les salons où on cultive l’art de la conversation, comme celui de madame Du Deffand (1).

Le 18ème siècle nous dit Cioran, « c'est aussi le siècle qui s'est le plus ennuyé, qui a eu trop de temps, qui n'a travaillé que pour passer le temps. »

Alors bien sûr, il y a tous ceux qui disent que l’ennui est un luxe, qu’il n’affecte que les riches dont le temps n’est pas rempli par la quête de ressources pour vivre.

Le pessimisme de Cioran consiste à dire que cela ne change rien, puisqu’avec l’ennui nous nous situons au niveau de l’essence humaine.

Pour ce qui est de l’occupation besogneuse des pauvres, le fait qu’elle soit laborieuse ne change rien à la nature humaine : elle ne fait qu’en masquer la réalité. L’homme qui travaille pour vivre trouve dans cette activité un surplus qui est d’oublier son néant, exactement comme l’aristo qui discute futilement dans un salon doré. Que l’un gagne sa vie pendant que l’autre la dissipe n’est qu’une opposition d’apparence.

La seule différence est au niveau de la vie animale (la zoè de Foucault) qu’il s’agit ou non d’entretenir par son travail. Par contre la vie humaine (le bios pour rester dans la même référence) n’est que l’occasion d’éprouver le néant.

C’est ça le pessimisme.


(1) "Je ne trouve en moi que le néant et il est aussi mauvais de trouver le néant en soi qu'il serait heureux d'être resté dans le néant." Madame Du Deffand, citée par Cioran

1 comment:

Anonymous said...

Une fois de plus, ma vision du monde est bouleversée