Insouciance I
L'homme insoucieux, l'imprévoyant, est moins accablé et démonté par l'événement catastrophique que le prévoyant.
Pour l'imprévoyant, le minimum d'imprévu. - Quoi d'imprévu pour qui n'a rien prévu ?
Paul Valéry / Tel Quel
Quoi d'imprévu pour qui n'a rien prévu ?
Mais qui donc ne prévoit rien, absolument rien ? Pour vivre, vous êtes bien forcé de parier que votre train va arriver à bon port, que votre mari va rentrer comme d’habitude ce soir, que vous allez vous réveiller demain matin et non pas succomber à un infarctus.
Toutefois, dira-t-on, l’insouciant est d’abord celui qui a choisi de penser à autre chose, de faire « comme si » demain n’arrivera jamais, « comme si » ce soir ne viendra jamais après ce matin. Rousseau racontait que les Caraïbes (indigènes originaires des Caraïbes) étaient capable de vendre leur hamac en se levant le matin, ne songeant pas qu’ils en auraient besoin le soir.
Bon, mais alors, est-il vrai que l'homme insoucieux, l'imprévoyant, est moins accablé ?
Faut-il souscrire à cet éloge de l’insouciance ?
Voyez Heidegger, et son éloge du souci (qu’on trouve déjà chez Kierkegaard) : la certitude que la mort arrivera un jour et donc (c’est là ce qui compte) que notre existence a une durée limitée nous enseigne à vivre pleinement, sans perdre notre temps comme si nous avions l’éternité pour nous. Rappelons aussi les Egyptien dont on dit qu’ils mettaient une tête de mort sur la table du festin pour s’exciter à profiter de la bonne chair le temps qu’ils vivaient encore.
Etre moins accablé ce n’est pas difficile, il suffit de vivre comme l’animal dont on suppose qu’o ne se sait pas mortel. La vie d’un pourceau est-elle plus enviable que celle de l’homme qui sait que le temps lui est compté ?
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