Tuesday, June 21, 2011

Citation du 20 juin 2011

Il est triste qu’en fait de langue, comme en d’autres usages plus importants, ce soit la populace qui dirige les premiers d’une nation.

Voltaire – Dictionnaire philosophique (Article « Cul »)


A l’article « cul » de son dictionnaire, Voltaire philosophe encore : il s’agit de réfléchir sur l’origine des mots, du moins sur ce qui explique leur usage et leur introduction dans une langue.
Cul : ce vilain mot, ce mot déshonnête et ridicule, ne peut avoir été introduit dans l’usage que par la populace, si prompte à corrompre tout ce qu’elle approche. Et Voltaire de passer en revue les emplois du mot « cul », essentiellement dans des mots composés (et qu’on retrouve aujourd’hui, comme cul-de-poule, cul-de-lampe, etc… voir le texte), pour montrer que le petit peuple (artisans, paysans, marins, etc.) les a inventés par facilité, mais qu’il serait aussi facile de trouver d’autres formulations plus conformes au bon usage.
Ainsi, comme notre citation le montre, l’essentiel n’est pas dans la recension des occurrences du mot, mais bien dans l’indication de leur origine. C’est qu’une langue comme le français, qui a vocation à l’universalité (c’est ce qu’on pensait à l’époque), ne peut se forger que par l’action des élites, et sans doute en particulier celle de l’Académie française. On se rappellera à cette occasion que Richelieu a impulsé la création de cette Académie principalement pour faire pièce aux usages corrompus du français par les érudits et par les précieux.
Voilà donc l’enjeu de cet article du Dictionnaire philosophique : il ne s’agit pas simplement d’expurger le français des vilains mots qu’il recèle ; mais bien de chasser tous ceux qui trouvent leur origine ailleurs que dans les usages voulus par les élites du pays.
Nous qui sommes aujourd’hui à l’affût non de la pureté de la langue mais des nouveautés qui peuvent s’y glisser, histoire de nous divertir un peu, nous sommes loin de souscrire à cette exigence. Mais nous avons tort : la francophonie est là pour nous le rappeler : la même langue nous unit à tous les pays qui ont le français comme moyen de penser et de communiquer ; si nous introduisons dans notre langue commune des tournure ou des vocables qui ne valent qu’ici et que maintenant, nous aurons vite fait de ne plus être compris par nos amis et cousins francophones.
Et peut-être même pas par notre voisin de palier.

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