Nous n'aurons pas expliqué le pourquoi de l'être parce que nous aurons imaginé un Etre sans pourquoi.
Brunschvicg, La querelle de l'Athéisme.
- Dis, Papa, pourquoi y a des hommes plutôt que pas d’hommes du tout ?
- Y a pas de « pourquoi », Kévin.
- Dis, Papa, pourquoi y pas de pourquoi ?
Ce petit dialogue résume assez bien le sens de la formule de Brunschvicg.
- En effet, on ne doit pas se borner à comprendre que refuser le « Pourquoi ? » ne suffise pas à satisfaire la curiosité de questionneur. Symétriquement, le « répondeur » est supposé sérieux : quand il dit que l’homme est apparu sans pourquoi, il ne veut pas forcément dire qu’il ne sait pas répondre et qu’il cherche simplement à se débarrasser du questionneur.
--> Car, ce qu’il faut surtout comprendre c’est que la question demande ce que c’est que cet être qui existe sans raison, sans justification – bref, sans « Pourquoi ? ».
Beaucoup de philosophes athées ont en répondu à la question des conséquences : Sartre pas exemple énumère les effets de cette situation, qu’il place au cœur de l’existentialisme athée. Ainsi, l’homme n’ayant pas été créé par un Dieu qui le voulait à son image n’a pas de modèle – pas de nature – et pas de justification : inutile de lui dire Sois digne de ton Créateur. L’homme découvre donc sa liberté dans la déréliction (l’homme est sans père) et dans l’angoisse : angoisse de sa responsabilité puisque ses choix sont à la fois libres et supposés valables pour l’humanité entière.
- Seulement, notre Kévin prend une autre direction : il ne s’agit pas de savoir ce que ça a comme conséquence qu’il en soit ainsi. Mais bien de dire comment il se fait qu’un être vivant tel que l’homme existe « sans raison ».
La seule réponse qu’on trouve est toujours la même : pour que l’existence apparaisse sans justification, donc sans créateur, donc sans plan préalable qu'il faudrait suivre, il faut faire intervenir le hasard. Le hasard seul peut réduire au silence notre questionneur du « Pourquoi ? » – seulement il faut savoir ce que ça veut dire que l’homme soit apparu par hasard.
La réponse consiste à rabattre l’existence de l’homme sur celle de l’espèce humaine, devenue ainsi une espèce animale, et soumises aux mêmes lois que l’ensemble des espèces vivantes. Seulement, l’aléa n’intervient pas seulement à l’origine de l’espèce, mais aussi tout au long de son développement. Les différents genres homo sont apparus selon les hasards des mutations génétiques, et cet aléa continue d’agir : chacun a commencé par être un mutant isolé – mais pour que ça devienne une variante nouvelle de l'espèce, il faut aussi qu’il soit un mutant qui a réussi.
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