Intellectuels : ils sont plutôt le déchet de la société, le déchet au sens strict, c'est-à-dire ce qui ne sert à rien, à moins qu'on ne les récupère.
Roland Barthes – Le grain de la voix - Entretiens 1962-1980
L’avantage des citations, c’est qu’elles vous donnent à penser au-delà de ce qu’elles disaient dans leur contexte original.
1 – Les intellectuels sont comme les déchets, ce qui ne sert à rien. Et donc on peut s’en passer sans mal. Peut-être même devrait-on en interdire l’existence, les pourchasser hors de nos frontières comme on le faisait autrefois, quand Voltaire devait s’installer sur la frontière suisse pour sa sécurité ; quand Descartes était obligé de vivre en Hollande. Ils sont au mieux inutiles ; au pire : dangereux.
2 – Toutes fois, les déchets sont l’ambiguïté même : ils sont certes ce qu’on peut jeter sans perte ; mais aussi ce qui permet toutes sortes de créations – ou de re-créations – pour qui sait les utiliser. Il y a des Trésors dans les déchets, et notre époque est devenue l’époque du recyclage comme les années 70 étaient celles de la consommation. Voyez le nucléaire : déchets d’aujourd’hui ; source d’énergie demain (peut-être).
3 – Venons-en à l’essentiel : les intellectuels comme les déchets sont susceptibles d’être récupérés. C’est même là et là seulement qu’ils ont de l’intérêt.
Toute la question est de savoir comment on fait pour récupérer un intellectuel.
- Faut-il commenter ses pensées ?
- Faut-il l’utiliser comme un excitant pour se mettre à penser nous-mêmes ?
- Faut-il lui demander de s’interpréter lui-même ?
… Oui, on déjà l’a compris : les intellectuels d’aujourd’hui ont lu Barthes ; ils savent que le public ne comprend rien à leurs propos et donc ils nous livrent l’interprétation clé en main.
Ce qui devrait être conçu comme un éclairage, un point de vue, une hypothèse, un sens parmi d’autres, devient alors « certitude », « vérité indiscutable », ce que « tout le monde sait », ce qui est « bien évident », « absolument incontestable » etc…
Il ne faut pas chasser les intellectuels. Il faut simplement leur dire qu’on est assez grand pour avoir par nous-mêmes un avis sur leur propos.
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