Non jamais je ne conteste, / Ni revendique ni ne proteste / Je ne sais faire qu'un seul geste, / Celui de retourner ma veste, / de retourner ma veste, / Toujours du bon côté.
L'opportuniste – chanson de Jacques Dutronc, texte de Jacques Lanzmann (1969)
Cette chanson a plus de 40 ans, elle est née dans le contexte de 1968 et des réarrangements politiques qui se profilaient – du moins c’est ce qu’on croyait.
On croirait aussi qu’il est justifié de dire : « Extraordinaire, cette chanson est toujours d’actualité ; elle n’a pas pris une ride ! ».
Oui, mais pas tout à fait : aujourd’hui les opportunistes ont disparu – envolés ! Ils ont été remplacés par les pragmatiques.
Et du même coup, tous les reproches que sous-tend l’opportunisme, toutes les accusations que le chanteur fait mine de dénoncer sont devenus des éloges.
Voyez Notre-Président comme il s’y entend pour brouiller les frontières : c’est plein de fierté qu’il pourrait chanter :
« Je suis pour le communisme / Je suis pour le socialisme / Et pour le capitalisme / Parce que je suis opportuniste ». Impôt sur la fortune, et puis mise au pas des traders, et encore refus de la double peine et ensuite on lance la chasse aux Roms… Je ne vais pas allonger la liste parce que je priverais nombre de mes lecteurs des délices de la chasse à l’opportunisme – heu, je veux dire au pragmatisme – chez nos élites dirigeantes.
Alors, on nous en avertit : ne confondez surtout pas le pragmatisme (doctrine philosophique) et les pragmatiques (attitude politique). Soit, mais c’est bien inutile, vu qu’en France personne ne connait le pragmatisme et même que ceux qui s’y sont attelés sont restés dans l’obscurité la plus totale. Comme si le pays de Descartes faisait un rejet de ce greffon d’outre-Atlantique…
Sauf que les pragmatiques, eux ils ont parfaitement réussi leur OPA sur la politique. Plus de contestation, plus de révolution, même plus besoin de retourner sa veste : elle est si bariolée qu’elle s’harmonise avec tous les cas.
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