« Je vois le bien, je l’approuve et je fais le mal. »
Ovide - Métamorphoses - VII, 20
On considère généralement que cette formule (prononcée par Médée dans les Métamorphoses) désigne la faiblesse de l’être humain, capable de reconnaître les valeurs mais incapable de faire ce qu’elles nous imposent.
Ce qui est intéressant ici c’est de réfléchir sur le moment où nous quittons le droite ligne (celle de l’honnêteté) pour bifurquer vers … ce qui est moins honnête. Par exemple, le commerçant nous rend la monnaie avec un billet de trop ; en l’espace d’un instant nous devons choisir : le lui rendre ou l’empocher ?
Supposons qu’on l’empoche : c’est très vilain. Aussi nous donnons-nous de bonnes raisons : les commerçants - ce commerçant - font des profits abusifs, c’est connu. Nous ne faisons que récupérer ce qu’il nous avait indûment subtilisé. A moins que fort lucidement nous estimions que nous avons absolument besoin de cet argent, beaucoup plus que le commerçant qui est très riche, c’est notoire. Ou encore, que c’est de sa faute, il n’avait qu’à ne pas nous donner ce billet, c’est lui le responsable, il ne fallait pas nous tenter. Bref, c’est la loi de la jungle. Si nous ne faisons pas le bien, nous ne faisons pas non plus le mal, et notre conscience est en paix.
Hypocrisie ? Soit. Mais alors, cela veut dire que nous reconnaissons qu’il aurait fallu agir autrement, que le bien était de restituer ce qui ne nous appartient pas. Et aussi : connaissant le bien, cela ne nous a nullement empêché de faire le mal.
Et donc : si nous le faisons, c’est parce que nous l'avons librement choisi. Descartes appelle « liberté d’indifférence » ce pouvoir de rester insensible au bien, qui nous rend libres de faire le mal. Pour qu’il soit moral (donc = louable) de faire le bien, il faut que nous soyons capable (donc = coupable) de faire le mal.
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