"Car une hirondelle ne fait pas le printemps, ni non plus un seul jour : et ainsi la félicité et le bonheur ne sont pas davantage l’œuvre d’une seule journée, ni d’un bref espace de temps"
ARISTOTE – Ethique à Nicomaque
Ceux qui croient qu’Aristote nous donne un conseil météo en seront pour leur frais : c’est bel et bien une leçon de morale que nous recevons. Si l’hirondelle est renvoyée dans son nid c’est pour nous revenir en bande innombrables symbolisant les jours également innombrables où nous aurons vécu vertueusement, accédant ainsi au bonheur.
Curieuse citation : quelle différence entre le bonheur vécu dans l’instant et le bonheur d’une vie entière, du moins au moment où je le vis ? Et si je crois au printemps au moment où passe l’hirondelle, cela ne suffit-il pas à faire mon bonheur ?
Mais c’est qu’Aristote ne croit vraiment pas qu’un sentiment - soit-il de félicité - fasse le bonheur. C’est la vertu que fait le bonheur, et la vertu, ce n’est pas une simple disposition morale. C’est le développement de notre être, tout au long d’une longue vie, qui permet à la vertu de se déployer et de réaliser le bonheur.
Autrement dit, pas question pour le méchant d’être heureux : lui il stagne dans son abjection ; et pas question pour le repenti de la vingt-cinquième heure d’y prétendre. C’est que le bonheur intègre ce que Kant appellera « l’estime raisonnable de soi » : sentiment de fierté, certes ; mais sentiment justifiable, car raisonnable. Le bonheur, il faut le mériter, et ça ne se fait pas comme ça.
Combien de temps faut-il vivre pour mériter d’être heureux ?
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