Sunday, June 25, 2006

Citation du 26 juin 2006

Ça m’en touche une sans faire bouger l’autre.
Jacques Chirac (1)
On va dire : « Encore une bidasserie du Président. On le sait qu’il aurait voulu faire carrière dans l’armée. Elle est inutile, cette citation lourdingue d’un adepte du bazooka.»
Mais pourquoi cette formule qui se veut dénonciation de l’insuffisant, de l’insignifiant, de l’inessentiel, ne serait-elle pas aussi considérée comme un éloge de l’effleurement. La légèreté n’est elle pas le signe même de la qualité ?
Bien sûr, la femme légère « comme la plume au vent » est mal considérée ; mais entre la légèreté des mœurs et celle de l’esprit, il y a un fossé. D’ailleurs la légèreté, synonyme d’aisance et de délicatesse, est reconnue comme la valeur apportée par les femmes, au point que c’est la ballerine qui est devenue le symbole de la grâce. Nous sommes donc dans un affrontement entre la ballerine et le soudard.
Mais pas seulement. Ce dont on parle ici, c’est de la légèreté de l’effleurement. Car, il ne suffit pas d’être léger ; il faut encore toucher. Qu’est-ce qui peut « toucher l’une » de J. Chirac, sans « faire bouger l’autre » ? Vous pensez bien que je ne vais pas me risquer sur ce terrain-là. Prenez une comparaison moins compromettante, tenez : le mikado (ouf !). Il s’agit bien de prendre une baguette sans faire bouger l’autre ; ça nous mène à la maîtrise du corps, au contrôle du souffle, à la domination de soi-même: c’est l’esprit qui guide la main, mais aussi qui domine les émotions, tout ce qui est du domaine des « craintes et tremblements ». Bref. Tout l’esprit zen est derrière ça.
Allons plus loin : si c'est l'esprit qui effleure, il n'est pas seulement celui qui nous habite ; il est aussi celui qui nous visite, venu d'ailleurs, de plus éloigné, de plus haut. ...
Concluons : il y a une métaphysique de l’effleurement, qui combine la légèreté matérielle comme condition de la spiritualité (c’est la brute qui est épaisse) ; et la rencontre « effleurante » par laquelle une réalité supérieure se manifeste à celui qui reste en bas. Nous sommes entre l’effraction brutale du profane dans le sacré, et l’aspiration mystique vers Dieu ; l’effleurement se réalise au point de tangence entre le transcendant et l’immanent.
métaphysique de l’effleurement : comment faire comprendre ça à un admirateur des combats de Sumo ?
(1) Attribution couramment admise. Wiki a consacré un article à cette expression. Voir ici.



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