Thursday, June 08, 2006

Citation du 9 juin 2006

La partie la plus cérébrale du jeu - de beaucoup la plus importante - demeure invisible ; c'est donc que le muscle y sert d'écran à l'intelligence.

Pierre de Coubertin - Notes sur le football

1 - Dans le sport, il y a bel et bien contraste, voire opposition entre le muscle et l’intelligence ;

2 - Le football en est une application évidente ;

3 - C’est Pierre de Coubertin qui le dit.

Si vous ouvrez la presse de ces jours-ci, vous verrez que la quête de sens autour de la Coupe du Monde de Football bat son plein. Même les philosophes s’y collent, avec des fortunes diverses (1). C’est qu’une telle manifestation en prise avec le vécu le plus immédiat est trop riche de sens, elle est surdéterminée et on ne peut l’interpréter qu’à condition de la simplifier, avec le risque de la dénaturer.

Le baron de Coubertin attire notre attention sur l’une d’entre elle : il ne faut pas confondre le point de vue du spectateur de celui de l’acteur, et distinguer ce qui se voit et ce qui se fait.

Ainsi le jeu de football ne doit pas être compris à partir de ce qui se voit mais aussi à partir de ce qui se comprend : je vois la passe au gardien ; je comprends la tactique qui la justifie. Mais il faut aussi comprendre que cette distinction elle-même est trompeuse.

Pour éviter de dénaturer le sens du football, il faut éviter de considérer ces deux moments comme successifs, contrairement à ce que risque de faire croire cette citation. Car sa « partie cérébrale » n’a pas à s’articuler sur la partie « musculaire » ; les deux ne forment qu’un tout, l’action naît dans le même élancement que l’idée, il n’y a pas une séquence articulée comportant représentation qui se forme, puis qui s’analyse et enfin qui se réalise. Le joueur n’est pas un ordinateur, il est un être vivant pris dans une situation concrète par rapport à la quelle il réagit globalement. Il ne s’agit donc pas d’articuler une théorie sur une pratique, comme si le coach pouvait diriger le joueur depuis le banc de touche.

Le jeu de football relève ainsi de ce que les Grecs appelaient la phronèsis, c’est à dire l’aptitude à agir avec opportunité et prudence, c’est une sagesse pratique qui ne doit pas se confondre avec la sophia qui suppose la science (épistémè).

Méfiez-vous des philosophes qui ne parlent pas grec - comme disait Heidegger.

(1) Voir par exemple le n°2 de Philosophie Magazine

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