Rien n’est moins poétique que la nature, et que les choses naturelles : c’est l’homme qui leur a trouvé une poésie. La naissance, la vie la mort, ces trois accidents de l’être, symbolisés par l’homme, sont des opérations chimiques et cyniques. L’homme pisse l’enfant et la femme le chie.
Edmond et Jules de Goncourt - Journal (4 février 1861)
Attention : ce Post comporte des passages qui peuvent choquer les gens bien élevés.
L’homme pisse l’enfant et la femme le chie : oui, rien n’est moins poétique, ça c’est sûr… On se croirait même dans le folklore obscène des enfant (1). Après ça, allez leur raconter que c’est la cigogne qui fait tout.
Notre challenge n’est pas de faire poétique, mais de faire philosophique. Est-ce possible avec ces mal élevés de Goncourt ?
On s’en tiendra à la hiérarchie des fonctions corporelles, que bousculent les Goncourt, et l’image que l’homme se donne de lui-même à travers celles-ci. La procréation d’un petit être humain ne mérite-t-elle pas mieux ?
Certains (voir note 1) citent Aristote qui se serait interrogé sur la caractère divin de l’éternuement (qui passait en effet pour être un signe des Dieux) - alors que les rots et les pets ne le sont pas. On voit que le corps humain est investi d’un sens qui n’a rien à voir avec les fonctions organiques réelles, et que les organes eux-mêmes sont hiérarchisés selon ce qu’on imagine de leur rôle dans l’homme. J’ai lu quelque part que l’hystérie - affection jugée alors exclusivement féminine - était attribuée par les anciens grecs au fait que l’utérus, comme un petit animal, se déplaçait dans le corps de la femme ; lorsqu’il se fixait près du cerveau, alors la crise éclatait. Mignon n’est-ce pas ?
… Bref, ça ne passe pas. Ce qui ne passe pas, c’est que la naissance d’un être humain, le surgissement d’une âme neuve, soit due à cet acte répugnant. Saint Augustin, pour rabattre notre orgueil, disait : nous naissons entre l’urine et les fèces. Il voulait dire que la matrice est située entre le méat urinaire et l’anus ; c’est un peu la même image que celle des Goncourt, mais moins choquante (2).
Avec ça, ne vous étonnez plus que la procréation de Jésus ait été miraculeuse.
Certains ont même développé des études portant sur l’analité des contes et des comptines (voir ici)
(2) Encore que… A l’époque de Saint Augustin on comparait la naissance de l’homme au gui, donc les graines sont colportées par les fientes d’oiseaux, ce qui leur permet de s’enraciner sur les branches des arbres.
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