Il n'y a que deux façons de vivre sa vie : l'une en faisant comme si rien n'était un miracle, l'autre en faisant comme si tout était un miracle.
Albert Einstein
Une capacité d’accomplir des miracles compte aussi au nombre des facultés humaines.
Hannah Arendt - La crise de la culture, ch IV-4, p. 220
Alors, allons-y : tout est miracle, notre vie est miraculeuse, les autres sont miraculeux, ma voisine et son chien, la voiture qui démarre chaque matin, l’haleine chargée de mon patron…
Stop ! Si tout est miracle, rien n’est miraculeux. Le miraculeux suppose une rupture, une surprise, un émerveillement. Albert Einstein polémique sans doute lorsqu’il déclare ceci, peut-être pour faire comprendre qu’il n’y a pas plus de mystères dans l’univers que dans notre vie.
Nous allons chercher la réponse chez Hannah Arendt.
Est miraculeux ce qui a une improbabilité infinie, dit Hannah Arendt. Autrement dire, le miracle est ce qui ne devrait pas arriver et qui pourtant s’accomplit.
Pas très original, me direz-vous. Et pourtant si : Arendt affirme que les miracles sont partout où il y a des hommes : « une capacité d’accomplir des miracles compte aussi au nombre des facultés humaines. »
Le miracle, c’est dans l’action qu’on le trouve, et dans la manière dont nous le ressentons.
Pour mesurer l’originalité de cette position, souvenons-nous de la thèse classique : seul Dieu fait des miracles, et ceux-ci contredisant les lois de la nature, c’est dans la nature seule qu’ils s’observent - guérison miraculeuse qui contredit la réalité physiologique, soleil qui se dédouble, mer qui s’ouvre en deux… Et du coup, le miracle se comprend par sa fonction : manifester la puissance de Dieu pour convaincre les sceptiques, en changeant l’eau en vin par exemple.
Retour à Hannah Arendt : nous savons déjà que pour elle la « natalité » est un miracle, que chaque enfant qui naît est l’ouverture d’une imprévisible nouveauté ; c’est là que l’improbabilité du miracle prend sa place. Que sera cet enfant ? C’est par ses chances de d’agir tout au long de sa vie qu’il se définit comme miracle, et donc le miracle est la marque de la vie entière des hommes.
On dira que beaucoup de ménagères de moins de 50 ans ne sont pas vraiment miraculeuses. Oui, mais elles auraient pu l’être. Ça ne vous suffit pas ?
… Vous avez raison, et la réponse de Arendt est plus radicale : il y a du miracle dans chaque action, ne serait-ce que par la surprise qu’elle occasionne. La mesure du miracle, c’est aussi dans notre affectivité que nous la trouvons.
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