On construit la science avec des faits comme une maison avec des pierres.
Mais une accumulation de faits n'est pas plus une science qu'un tas de pierres n'est une maison.
Henri Poincaré
Déjà il faut admettre qu’une science se construit, et non pas qu’elle s’édifie toute seule, dès lors qu’on a découvert - peut-être par hasard - l’origine d’un phénomène. Comme si Archimède sortant de son bain avait eu l’intuition de son principe simplement parce qu’il a fait déborder la baignoire (cf. Post du 19 août 2007) ; comme s’il n’avait pas possédé déjà auparavant les éléments mathématiques sans les quels cette expérience n’était rien d’autre qu’un fâcheux incident domestique.
Bon : une fois qu’on a admis ça, il reste à comprendre comment on construit une science, alors qu’elle est censée ne tenir compte que des faits. Qu’est-ce qu’il faut lui ajouter pour que ce tas de pierres devienne une maison, et qui ne soit pas quelque chose qui transforme cette maison en palais des chimères ; c'est à dire pour que cette science ne soit pas un délire d’interprétation, un peu comme dans l’astrologie ?
On peut dire que Kant a traité ce problème avec le maximum de clarté dans la Critique de la raison pure. Le plan de la maison dont parle Poincaré, c’est la raison elle même qui le fournit, avec son organisation logique, avec ses concepts et ses exigences rationnelles.
Seulement, ce que Kant ajoute, c’est que ces caractéristiques ne sont valables qu’à condition d’avoir les pierres de la maison à assembler. Si vous reprenez l’exemple de l’astrologie, elle est bien rationnelle dans sa construction : c’est de ce point de vue une science. Mais les pierres qu’elle assemble n’existent pas : ce sont des fantasmes. Que sont les constellations ? Des illusions d’optique, si on admet que les étoiles qui les constituent sont assemblées par notre imagination seule. Et d’où vient l’interprétation de leur influence ? Des lointaines civilisations dont l’ancienneté est la seule caution. Comme si on n’avait pas cru pendant des dizaine, voire des centaines de milliers d’années, que le soleil tournait autour de la terre.
Nous ne ferons pas comme le Facteur Cheval (1) qui de son monceau de pierres a tiré un merveilleux palais… inhabitable.
(1) Si vous avez lu « Facteur Chabal », alors cliquez ici - d’urgence.
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