Que l'humanité en général puisse jamais se passer de Paradis artificiels, cela semble fort peu probable. La plupart des hommes et des femmes mènent une vie si douloureuse dans le cas le plus défavorable, si monotone, pauvre et bornée dans le meilleur, que le besoin de s'évader, le désir de se transcender eux-mêmes, ne fût-ce que pour quelques instants, est et a toujours été l'un des principaux appétits de l'âme.
Aldous Huxley - Les portes de la perception
Le désir de se transcender… Voilà une aspiration de l’être humain dont on devrait se demander si ce n’est pas son aspiration absolue. Même inaccessible, elle permettrait alors de définir le coefficient de bonheur attendu de chacune de nos entreprises.
Exemple. Voilà que je me mets à peindre ou à apprendre l’équitation : deux actions a priori sans autre utilité que de me hisser vers des expériences que je n’ai pas encore réalisées. Si je fais une croisière sur le Nil, c’est pareil. Sauf que là je suis plus du côté du spectateur que de l’acteur. N’empêche : mon bonheur sera fonction de la quantité de réactions, d’étonnement, d’émerveillement que j’impulserai dans le spectacle qui défile au long de la croisière - aucun bonheur pour celui dont le regard bovin souille ce paysage merveilleux.
Bon. Tout ça c’est bien beau, mais Aldous Huxley en profite pour dire que ce sont les Paradis artificiels qui nous transporteront au-delà de nous mêmes. Tous ces beaux discours sur la créativité humaine, qu’est-ce qu’ils deviennent ?
Huxley est connu pour avoir décrit ses expériences sous mescaline (1). De la transcendance, oui, si on admet qu’il s’agit d’un univers entièrement neuf. Maintenant est-ce pour autant ma transcendance, celle dans la quelle j’inscrirai les ressources cachées de ma nature, ou bien s’agit-il de visions liées à la chimie de ces substances - un peu comme dans le delirium tremens les visions qu’ont les alcooliques sont plutôt stéréotypées ?
J’avoue ne pas avoir d’expérience personnelle à faire valoir ici. Que ceux qui en ont nous expliquent ce qui en est. Pour le moment, je signale que Baudelaire, dans les Paradis artificiels explique que l’effet de haschich se borne à exagérer les caractéristiques de l’individu, sans rien y ajouter de neuf. Mais il est vrai qu’il ne s’agit que de haschich.
Par contre, Antonin Artaud avec le peyotl a bien des choses à nous suggérer…(2)
(1) Il s’agit bien sûr des Portes de la perceptions.
(2) Pour être tout à fait exact, les adeptes de la mescaline aussi.
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