La censure épargne les corbeaux et s'acharne sur les colombes.
Juvénal Satires
Il a raison Juvénal, - même si aujourd’hui on opposerait plus volontiers les colombes aux faucons qu’aux corbeaux - l’appel à la guerre a toujours été plus audible que l’appel à la paix..
Je voudrais évoquer cette censure du pacifisme à travers la célèbre chanson de Boris Vian : le Déserteur.
Voici 3 versions de cette chanson :
- La version originale, paroles de Boris Vian, chantée par Boris Vian: Si la pacifisme de la chanson composée par Boris Vain a été censuré, au point que même dans les années 60 on n’entendait qu’une version édulcorée, c’est qu’en plus de l'appel à la désertion,elle interpellait le Président - sous entendu : de la République.
Le Déserteur composé en 1954 est inspiré par le pacifisme de lutte contre la guerre d’Indochine qui s’achevait alors dans le sang à Dien-Bien-Phu, et qui commençait en Algérie. C’est un moment de l’histoire coloniale française.
- La version censurée/édulcorée (je n’ai pas retrouvé le nom de l’interprète). C’est une version plus « internationale » et plus « hippie » : après avoir repris de la censure des années 50 l’apostrophe aux « messieurs qu’on nomme grand », en lieu et place de « Monsieur le Président », elle remplace le couplet d’origine qui appelle à la désertion : « Refusez d'obéir / Refusez de la faire / N'allez pas à la guerre / Refusez de partir », par une benoîte déclaration de fraternité « profitez de la vie /éloignez la misère / les hommes sont tous des frères / gens de tous les pays ». Avouez qu’il n’y a même pas la trace d’une censure ici : c’est carrément autre chose, avec une autre intention. Seule la musique reste.
- La version de Renaud. Les années 70 ont vu se développer un mouvement de contestation contre l’armée ou plutôt contre le service militaire obligatoire. Les colombes de Juvénal ne sont pas à la lutte contre la guerre, mais contre les militaires de carrière dont avaient à souffrir les appelés du contingent. Et ça donne cette version de Renaud. Ecoutez -la et vous serez édifié : la chanson de Boris Vian est déjà devenue tellement célèbre qu’il suffit de l’évoquer pour être entendu. Le message c’est : laissez nous fumer notre hash tranquille entre potes. Quant à déserter pour éviter de « tuer des pauvres gens », il n’en est plus question : qui donc se mêlerait de militer aujourd’hui pour la paix ?
Censeur : un métier sans avenir…
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