Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
La Fontaine - Le loup et l’agneau
Rousseau s’en prend, dans l’Emile, à La Fontaine que, déjà à son époque, on faisait étudier aux enfants: la fable Le corbeau et le renard lui semblait un déplorable exemple dans la mesure où les enfants y apprenaient que la flatterie permettait de réussir là où une entreprise honnête aurait échoué.
Hé bien, voyons un autre exemple : le loup et l’agneau.
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage : avant d’être une méditation sur l’origine de la justice, le loup nous invite à une réflexion sur la pollution. Voilà une morale que La Fontaine n’avait pas perçue en écrivant sa fable.
En effet, vous souvenez vous de la réponse de l’agneau ? La voici :
Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté / Ne se mette pas en colère ; / Mais plutôt qu'elle considère / Que je me vas désaltérant / Dans le courant, / Plus de vingt pas au-dessous d'Elle, / Et que par conséquent, en aucune façon, / Je ne puis troubler sa boisson.
Voilà : qu’importe que je pollue la rivière si ce n’est pas chez moi. Je rejette mes égouts en aval de mon village : pas besoin de station d’épuration. Quelle mentalité ! Le loup a bien raison de dévorer cet agneau cynique.
A moins de se dire que La Fontaine vivait, ainsi que son agneau dans un autre monde que le notre. Un monde où les hommes ne pouvaient pâtir les uns des autres que par contact immédiat ; un monde où ce que faisaient les Chinois n’avait aucune importance pour moi, dès lors que ça se passait en Chine.
Un monde où les nuages radioactifs s’arrêtaient aux frontières.
No comments:
Post a Comment