Saturday, March 01, 2008

Citation du 2 mars 2008

Les gens déjà chargés de leur propre misère sont ceux qui entrent davantage par la compassion dans celle d'autrui.

Jean de La Bruyère

Ce Post a pour objet d’attirer l’attention de ses lecteurs sur le petit livre (=100 pages) de Myriam Revault d’Allonnes - L’homme compassionnel (Seuil). Voici un livre de philosophie qui ne recule pas devant l’interrogation sur l’actualité politique. Rare)

Comprenons que La Bruyère veut dire que compassion signifie égalité, ou du moins sentiment d’égalité. De l’égalité à la démocratie, on dirait qu’il n’y a qu’un pas que nos politiques ont aujourd’hui allègrement franchi. Ont-ils eu raison ?

Nous avons il y a quelque jours attiré l’attention sur le Discours de Charleville « La France qui souffre ». La compassion est devenue une arme politique dans tous les camps : il n’est que de se rappeler Ségolène et le paralytique (Ah !... la raideur des trois pas franchis pour mettre la main sur l’épaule cet homme…).

La question que pose Myriam Revault d’Allonnes est : la compassion est-elle un sentiment démocratique ? Car plutôt que d’ironiser sur son efficacité électorale, il est plus essentiel est de se demander s’il peut être introduit dans la sphère du politique.

Autrement dit : l’homme souffrant est-il l’objet de l’action politique ? La compassion - mécanisme d’identification au semblable (p.21) - permet-elle de construire le vivre-ensemble qui peut constituer le point de départ de la démocratie ?

Distinguons l’action morale de l’action politique. Emu par la compassion, je peux faire l’aumône, ou même me mobiliser dans une association caritative : il s’agit bien sûr de morale. La compassion procède du spectacle de la souffrance d’autrui : il s’agit toujours d’un événement singulier, même si cet événement touche beaucoup de gens (exemple : le Tsunami). C’est cela qui distingue la morale de la politique : celle-ci œuvre pour le bien public, qui est comme son nom l’indique toujours dans la visée du collectif.

Qu’en est-il de la compassion dans le domaine politique ? Je ne prétends pas remplacer ici les analyses de l’auteur : qu’on s’y reporte. Je dirai simplement que, si je l’ai bien comprise, la compassion est pour elle un moyen de prendre conscience des souffrances d’autrui (cf. l’appel de l’Abbé Pierre - hiver 54), mais que ce n’est pas un substitut de l’action politique (1) : car la compassion n’est pas généralisable, alors la politique exige comme on vient de le dire la considération du Bien public.

Tout le problème est donc d’articuler la compassion sur le choix politique. Mais contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, cela ne permet pas de remplacer le moment du choix par la sensation de la misère des autres.

J’ajouterai deux remarques :

1 - Que les politiques doivent se méfier de l’effet de la commisération sur les citoyens.
Même le bon peuple si prompt à apprécier les larmes de la commisération finit par dire qu’il y a des limites : voyez le rejet de la proposition d’associer le souvenir d’un enfant juif mort à un petit enfant vivant. Même dans ce domaine qui relève pourtant de la morale plus que de la politique il y a des limites à la compassion.

2 - Que les citoyens doivent être très vigilants sur leur propre tendance à répondre aux sollicitations de la compassion : en témoigne les dangereuses dérives juridiques opérées au nom de la compassion pour les victimes.

(1) La mobilisation de l’hiver 1954 n’aurait été qu’un feu de paille si des lois ad-hoc n’avaient pas été votées au Parlement.

3 comments:

Anonymous said...

Le livre vaut-il vraiment la lecture ?

Jean-Pierre Hamel said...

Selon moi : oui, absolument ; il ne faut pas être méfiant du fait de son actualité et de son relai médiatique.
Le seul regret que j'aurai le concernant est sa conclusion très hâtive : on aurait pu explorer le vivre-ensemble avec un peu plus de précision.

Anonymous said...

OK, je vais me le procurer alors.