La raison et la parole unissent les hommes entre eux.
Cicéron
Logos : tel est le terme qui, en grec signifie d’abord la parole, et puis la raison. Cicéron, écrivant en latin, ne pouvait ignorer cela, et on peut supposer que tel est le sens de sa remarque.
La raison est langage, ou plutôt discours (1). Le discours est langage, moyen de communication et donc d’union des hommes entre eux. Mais si la communication nous unit, elle peut aussi nous désunir : quiproquos, propos blessants, insultes… Il faut donc que la communication soit aussi dialogue raisonnable, discours rationnel – comme on voudra - pour éviter les quiproquos, renoncer aux insultes, créer une communication qui passe de l’un à l’autre sans laisser de résidus.
Donc, tout le monde s’accorde sur ce rôle de la raison, elle nous rassemble autour d’aimables conversations, elle évite les controverses stériles, elle garantit à l’humanité d’être bienveillante…
Stop ! Si telle était l’opinion de chacun, pourquoi la raison aurait-elle des ennemis, pourquoi y aurait-il de la misologie (2), jusque chez les philosophes ? Voyez Rousseau, et son analyse des malheurs de l’homme en société. C’est le développement de la raison qui nous permet d’étouffer les élans de la pitié qui nous portent naturellement à secourir nos semblables. Le philosophe qui, du fond de son lit, entend égorger dans la rue un passant, dit « meurs, je suis en sécurité ». Voilà à quoi mène la raison. Aujourd’hui, le même raisonnement nous poussera à calculer les avantages et les inconvénients de déclencher une guerre ou de laisser un peuple en asservir un autre.
Alors, pourquoi ce qui peut nous unir peut-il aussi nous désunir ?
Nous retrouvons ici une problématique déjà évoquée récemment (28 février - 2 mars 2008) avec la compassion. Comment vivre ensemble, si ce n’est par le sentiment ? Mais aussi comment le sentiment peut-il former une société juste et organisée selon le bien commun ?
(1) Je prends discours ici au sens de « suite d’opérations élémentaires et partielles permettant de construire la pensée ». Quoi ? Mais non, ce n’est pas le mot du jour ! Voyez plutôt note 2
(2) Misologie : haine de la raison (Platon Phédon 89d)
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