Les Lacédémoniens même, tant religieux observateurs des ordonnances de leur pays, étant pressez de leur loi, qui défendait d'élire par deux fois Amiral un même personnage, et de l'autre part leurs affaires requerrant de toute nécessité, que Lysandre prit derechef cette charge, ils firent bien un Aracus amiral, mais Lysandre surintendant de la marine.
Montaigne - Essais, I, 23 (De la coutume et de ne changer une loi reçue)
Ça ne vous rappelle rien ? Mais si, bien sûr…
- 2008 : le Président Poutine, ne pouvant se faire élire une troisième fois président, est choisi par le nouvel élu comme premier ministre, poste d’où il pourra diriger tout aussi bien le pays.
Si l’histoire ne se répète pas, alors autant considérer ces pratiques comme anhistoriques, c’est à dire comme relevant de la mécanique sociale, ou des tendances humaines.
Montaigne cite cet exemple au milieu d’une foultitude d’autres pour montrer que plutôt que de changer les lois, il vaut mieux les tourner, les interpréter de telle sorte qu’elles s’adaptent à la réalité, du moins la réalité telle que souhaitée par celui qui gouverne. On est encore au XVIème siècle dans la perspective grecque selon la quelle les lois sont uniquement constitutionnelles, et qu’une fois fixé le cadre législatif il n’est plus nécessaire de légiférer ; les lois sont alors comme la mécanique de l’horloge, d’autant plus parfaite qu’on n’a pas besoin d’y retoucher. On verra jusque chez Montesquieu et même chez Rousseau cette conception quasi sacrée de la loi.
Bref : la jurisprudence est une règle, l’art de gouverner n’est pas l’art de faire de nouvelles lois, mais d’ajuster les anciennes à la réalité.
Seulement, voilà : où passe la limite entre la jurisprudence et l’abus constituant un viol de la loi ? Pour ne pas créer de polémique, reprenons l’exemple russe : Poutine dit que le rôle du premier ministre est de gouverner, et Dmitri Medvedev, le nouveau président, affirme que c’est au contraire au Président de gouverner. Polémique réelle ou seulement de façade ?
Heureusement : ce n’est pas chez nous que ça arriverait.
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