L'homme a la conscience d'être Dieu, et il a raison, puisque Dieu est en lui. Il a conscience d'être un cochon et il a également raison parce que le cochon est en lui. Mais il se trompe cruellement quand il prend le cochon pour un Dieu.
Léon Tolstoï - Journal intime
On dit que dans le cœur de tout homme, il y a un cochon qui sommeille.
Rectifions : en chaque homme, il y a un cochon qui sommeil dans le cœur d’un Dieu.
[Je transforme certes la formule de Tolstoï en introduisant le cœur là où Tolstoï parle de la conscience. Je prends cette liberté, parce que je parle ici du cœur au sens biblique : centre de la personnalité. Et certes la conscience n’est pas seulement conscience de soi, mais aussi conscience morale, intuition des valeurs et de ce qu’est le bien et le mal.]
Ce qui intéresse Tolstoï, c’est de maintenir la dualité, et surtout de nous prévenir contre une tentation de réduire cette dualité en prenant notre cochon pour le Dieu que nous devrions être (à noter que l’autre réduction consisterait à trucider le cochon, mais Tolstoï ne va pas jusque là : il reste réaliste).
- Ça veut dire au moins que nous savons parfaitement en quoi nous sommes cochon ; mais nous n’avons aucune idée de ce que nous serions si nous étions Dieu.
Demandez à qui vous voudrez ce que veut dire Tolstoï : chacun saura dire ce que c’est que ce cochon d’homme. Pour vérifier, demandez aussi si la femme est également concernée : vous aurez des réponses mitigées : peut-être aurez vous la jouissance de la cruauté, mais rien de plus. Donc, le cochon d’homme est bien masculin et il se remplit d’alcool, se nourrit de graisses, et il se vautre dans la fornication.
Demandez ce que c’est qu’être un Dieu : on vous répondra que c’est organiser un Paradis sur mesure pour y vivre indéfiniment. C’est donc courir le 100 mètres en 5secondes, faire son golf en 18 coups, écrire la 10ème symphonie de Beethoven…. Et puis s’envoyer des créatures de rêves chaque nuit (1).
Et revoilà le cochon qui se prend pour Dieu.
(1) Pour cette représentation du Paradis, je me suis inspiré de Julian Barnes Une histoire du monde en dix chapitres et demi.
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