Quand on a pas d'imagination, mourir c'est peu de choses, quand on en a, mourir c'est trop.
Louis-Ferdinand Céline – Voyage au bout de la nuit
…mourir c'est peu de choses : oui, évidemment, pour celui qui ne pense pas à la mort, pour celui qui meurt « par-dessus le marché » comme dit Sartre, la mort est une surprise qui s’étouffe d’elle-même.
Par contre, quand mourir c'est trop : qu’est-ce qu’on fait ?
Et trop de quoi au juste ?
Trop désespérant pour être représenté. Ni le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face : la sentence est attribuée à Héraclite, et elle confirme notre propos, sans dire pourquoi d’ailleurs.
On raconte que Néron au moment de se suicider s’exclama : « Quel artiste Rome va perdre » : et si c’était ça qui nous rends l’idée de notre mort insoutenable. Si c’était le narcissisme ?
Après tout mourir comme le disait Epicure ne nous concerne pas : lorsque nous sommes là, la mort n’y est pas ; et quand la mort est là, c’est nous qui n’y sommes plus.
Et si nous regrettons de quitter ce monde, rappelons-nous Marc-Aurèle : « Dusses-tu vivre trois mille ans… » (lire la suite ici). Que nous importe de ne pas revoir un printemps de plus ?
Bref, les consolations philosophiques ne manquent pas, mais jamais elles ne mettent le doigt sur ce point pourtant essentiel : ce moi qui va disparaître, il est ce qui importe le plus pour moi. Il est ce que j’aime pardessus tout, et sa disparition est un malheur à nul autre pareil.
D’ailleurs ceux qui affrontent leur mort sans trembler – les martyrs et les héros – sont ceux qui la rencontrent comme couronnement de leur vie, comme ce qui la rend encore plus resplendissante.
Donc, je me récapitule : pour ne pas trembler devant la mort, soyez dépressif ou soyez un héros.
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