La télé est dangereuse pour les hommes. Personne ne pourra empêcher maintenant la marche en avant de cette infernale machine.
Louis-Ferdinand Céline
Céline, mort en 1961 a consenti 2 interviews à la télévision, à Pierre Dumayet, en 1957 et 1961 justement (1).
Pourquoi la télévision est-elle dangereuse selon Céline ? Et pourquoi s’il en est ainsi a-t-il consenti à y paraître ?
Répondons à cette seconde question : c’est sans doute – et au moins – pour vendre ses livres. Céline le dit cyniquement : il écrit pour avoir de l’argent. C’est pour ça qu’il a écrit le Voyage ; c’est pour ça que de retour du Danemark il continue d’écrire (la chronique de sa vie, où, comme il le dit : il met sa peau sur la table). D’un château l’autre a été l’occasion de se relancer dans les ventes. Alors, pourquoi pas l’interview télévisée pour accentuer le mouvement. Par ici la monnaie !
Mais pourquoi dire que : la télé est dangereuse pour les hommes ? En 1961, il critique déjà ce qu’on a depuis appelé avec Debord la société du spectacle. Une société où ce qu’on paraît est plus important que ce qu’on fait. Une société où le joli sourire de l’écrivain et son brushing fait vendre son livre, même si celui-ci est une nullité.
La seule chose qui compte vraiment pour Céline, c’est l’objet que l’on produit. L’auteur peut-être minable physiquement, être habillé comme un clochard (comme Céline à l’époque), parler en bégayant… Ce qui compte, c’est le style de son écriture.
Alors, vous l’avez compris, la télévision nous donne en pâture ce qui n’a pas de valeur et que pourtant nous aimons.
Voilà le message du misanthrope Céline : nous aimons ce qui nous ressemble, c’est-à-dire ce qui ne vaut rien. C’est dans cette exacte mesure que le télé est dangereuse : sa nullité flatte la notre.
Et c’est aussi pour cela qu’on ne pourra empêcher maintenant la marche en avant de cette infernale machine.
(1) À visionner ici. C’était l’époque où Lectures pour tous donnait aux écrivains le temps de répondre aux questions qu’on leur posait et filmait en plan de coupe leurs mains (les griffes de Céline !). C’est vers la fin de l’interview de 1957 que Céline vitupère la lourdeur de ses contemporains.
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