Pour se donner, il faut s'appartenir.
Vauvenargues – Réflexions et Maximes
Epreuve de philosophie.
Sujet : Devons-nous dire avec Vauvenargues : Pour se donner, il faut s'appartenir ?
Durée : 4h
Coeff. 8
… Voilà le cauchemar que risquent de faire les parents dont les enfants viennent de passer le bac : « Et si moi je passais aujourd’hui le bac, est-ce que je le réussirais ? »
Allez, je vais vous aider : suivez moi.
- Le prérequis de notre sujet est une maxime : on ne donne que ce qu’on possède.
Il est dès lors évident qu’on ne peut se donner (conséquence) que si on se possède – ou s’appartient – (condition)
- Maintenant établissons l’enjeu de la question posée (car pourquoi vous l’aurait-on posée s’il n’y avait quelque part un enjeu ?)
Et c’est vrai qu’on est un peu troublé par cette maxime : son évidence paraît trop évidente, trop lisse pour être admise telle quelle. Ne s’agirait-il pas d’une fausse évidence qu’il faudrait dissiper pour commencer à en comprendre l’enjeu ?
Déjà, on ne voit pas très bien ce qu’il faut comprendre par l’expression « s’appartenir ». Ça suppose un dédoublement, quelque chose comme une maîtrise de soi qui ne manque pas de poser question. Ce qui est mis en jeu c’est quelque chose comme le problème de l’identité : qui suis-je ? Le possédant ou le possédé ? Le maîtrisant ou le maîtrisé ?
Passons à la première partie de la citation, pour voir si d’aventure elle n’éclairerait pas notre recherche.
Pour se donner : se donner à qui ? Et se donner comment – et donner quoi ? Je t’ai donné mon cœur… dit la chanson : est-ce que ça nous avance ?
Et là, vous êtes comme les pauvres potaches le jour du bac : à blêmir en vous demandant si vous n’avez pas fait fausse route, et si vous n’avez pas en me suivant choisi le mauvais sherpa ?
Rassurez-vous mes amis : j’ai pris la peine d’écouter la chanson (en fait l’opéra de Franz Lehar), et on y entend ceci : je t’ai donné mon cœur…sans ton baiser il meurt, car sans soleil, meurent les fleurs.
Et voilà : tout ce que je peux donner de moi, c’est ce qui ne peut exister qu’à la condition d’être donné. Le je ne peux exister sans le tu ; je ne peux m’appartenir sans avoir été d’abord confirmé dans mon être par un amour vital.
L’enjeu est donc celui de l’intersubjectivité. Et hop !
Quoi ? J’en vois qui hochent la tête d’un air mécontent. Ils disent que j’ai passé l’appartenance à soi-même à la trappe ? Et que si ça se trouve je suis entrain de faire un hors sujet ?
Et la dialectisation, hein ? Qu’est-ce que vous en faites ? On vous a demandé si vous étiez d’accord avec Vauvenargues, n’est-ce pas ? Hé bien, vous allez au terme de votre dissert conclure triomphalement que Vauvenargues s’est planté – le pauvre naïf ! Dans le don de soi-même, on n’est pas dans la logique de la propriété, mais dans celle de l’amour.
Et paf !
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