C'est d'une organisation délicate de déséquilibres que l'équilibre tire son charme. Un visage parfait le démontre lorsqu'on le dédouble et qu'on le reforme de ses deux côtés gauches. Il devient grotesque. Les architectes le savaient jadis et l'on constate, en Grèce, à Versailles, à Venise, à Amsterdam, de quelles lignes asymétriques est faite la beauté de leurs édifices. Le fil à plomb tue cette beauté presque humaine.
On connaît la platitude, l'ennui mortel de nos immeubles où l'homme se renonce.
Jean Cocteau – La difficulté d'être
1 - …lorsqu'on dédouble [un visage] et qu'on le reforme de ses deux côtés gauches. Il devient grotesque.
Voilà l’expérience réalisée : libre à chacun d’en juger. Pour ma part je suis loin de considérer le résultat comme grotesque, et je me demande même si cette symétrie n’est pas un peu plus attachante que l’original.
2 – Les architectes le savaient jadis et l'on constate, en Grèce, à Versailles, à Venise, à Amsterdam, de quelles lignes asymétriques est faite la beauté de leurs édifices
Après les visages, l’architecture.
La symétrie est-elle en architecture mieux évaluée par notre poète ? J’en doute fort, si on en juge par l’exemple du château de Versailles (1)
Si on reste sceptique en constatant qu’il y a dans cette façade des ruptures de symétrie qui introduisent du rythme, alors je demanderai qu’on aille voir le Colisée de Rome.
Où voit-on le fil à plomb tuer la beauté architecturale ?
3 - Alors, c’est vrai qu’il y a des cas où la symétrie est mortelle d’ennui, et le cas évoqué le plus souvent est la ville de Sarcelles :
Mais peut-être s’agit-il plus d’une question d’échelle que de symétrie. Je veux dire que la répétition de la même forme qui peut fort bien être appréciée à l’échelle d’un édifice ne l’est plus à l’échelle d’une ville. C’est là qu’elle perd sa dimension humaine et qu’elle constitue un renoncement à l’humain.
Autrement dit, cette beauté presque humaine est détruite non pas par la symétrie, mais par l’excessive répétition des formes.
(1) On reste surpris de voir Cocteau évoquer Versailles comme exemple d’asymétrie. Qu’il y ait dans le château de Versailles des salons aux lignes baroques, certes. Mais l’allure générale de l’édifice est strictement classique. D’ailleurs, madame de Maintenon le disait : Il nous faudra périr en symétrie – voir le Post du 5 avril dernier.
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