Friday, July 30, 2010

Citation du 31 juillet 2010

Ce qu'il y a de plus puissant dans le secret, ce n'est donc pas le mutisme qu'il impose, c'est la complicité qu'il crée entre ceux qui en sont porteurs…

Vladimir Jankélévitch – L'ironie (1)

Cher lecteur, dis-moi : as-tu un secret ? Je veux dire, une pensée, un sentiment, un événement que tu sois le seul à connaître et que tu n’aies jamais divulgué à qui que ce soit ?

Non – Ne crois pas que je te demande de me le susurrer dans le creux de l’oreille. Simplement je voudrais savoir : comment tu t’arranges avec ça ?

- Est-ce que tu l’as oublié au point que c’est avec surprise que tu en as de temps à autre la réminiscence ?

- Est-ce au contraire un souvenir cuisant que tu tais pour ne pas en démultiplier l’existence ? (2)

- Ou n’est-ce pas simplement quelque chose que tu ne partages qu’avec des amis dignes de le connaître ?

Si nous relisons avec un peu plus d’attention le texte de Jankélévitch (cf. infra note 1), nous voyons bien qu’il considère le secret sous une forme relative : il ne s’agit pas de quelque chose que personne sauf nous ne connaît ; il s’agit de quelque chose que nous partageons en tant que secret avec quelques personnes.

--> Oui, mais un secret qui est connu de plusieurs, en quoi est-ce encore un secret ?

Deux réponses :

1 – Le secret est ce qui est volontairement caché à tous ceux qui ne sont pas initiés ni confidents. Le secret, c’est ce qui permet de diviser l’humanité en deux groupes : nos amis et confidents d’un coté, et puis tous les autres.

2 – Le secret peut être aussi ce qui constitue la réalité profonde, énigmatique, inexprimable de quelqu'un ou de quelque chose. Le secret est un indice de profondeur : tels sont les secrets maçonniques ou les secrets de la nature. Dans ce cas, je peux partager un secret avec ceux qui ont fait l’effort de venir jusqu’à moi, ou de se hisser un niveau du savoir nécessaire pour le connaître.

Deux jouissances liées au secret :

1 – Celle d’avoir des confidents (3).

2 – Celle de jouir d’une connaissance de l’Etre et de la Vérité.

« O récompense après une pensée / Qu'un long regard sur le calme des dieux ! » Paul Valéry – Le cimetière marin (4)

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(1) Voici le texte complet : « Un secret qu'on est vraiment seul à détenir, un tel secret rendrait malades les plus robustes, et on peut même se demander s'il existe une conscience assez intrépide pour supporter ce tête-à-tête, sans en mourir ; seule une psychanalyse appropriée, en divulguant le grand secret qui nous consume, nous rendrait le sommeil et l'appétit. Ce qu'il y a de plus puissant dans le secret, ce n'est donc pas le mutisme qu'il impose, c'est la complicité qu'il crée entre ceux qui en sont porteurs ; il est à la fois tacite et explicite, exclusif et confiant ; il ferme la bouche aux initiés, il calfeutre portes et fenêtres, mais ce silence dont il s'enveloppe est un silence qui en dit long. »

(2) Voir Racine : Phèdre – Quand tu sauras mon crime, et le sort qui m'accable, / Je n'en mourrai pas moins, j'en mourrai plus coupable. (Voir ici)

(3) La vogue des Facebook nous révèle que l’important est d’avoir des confidences à faire, et peu importe à qui on les fait. C’est troublant.

(4) Vers inscrits sur la tombe de Paul Valéry

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