Il faut avoir des amis et des ennemis ; des amis pour nous apprendre notre devoir, et des ennemis pour nous obliger à le faire.
Plutarque
Quiconque a le courage de paraître ce qu’il est, deviendra tôt ou tard ce qu’il doit être.
Rousseau - Lettre à Sophie d'Houdetot (cité le 24-6-2006)
Plutarque et Rousseau : ce n’est pas de trop de ces deux grands hommes pour nous rappeler que devenir vertueux n’est pas un devoir auquel on se plie avec enthousiasme. Il nous faut une contrainte.
Pour Rousseau, la transparence, en nous livrant aux yeux de tous tels que nous sommes, nous force à devenir irréprochables pour éviter la honte de l’opprobre.
Quant à Plutarque, il imagine sans doute que cette transparence étant peu fréquente, mieux vaut s’en remettre à l’examen tatillon et soupçonneux de nos ennemis.
Bref : faute d’avoir le courage dont parle Rousseau, tâchons de nous faire des ennemis fidèles.
Oui, mais : pourquoi diable faudrait-il en arriver là ? La vertu et le devoir sont-ils si rebutants qu’on ne puisse s’y conformer sans contrainte ? Faut-il donc évoquer la corruption du péché originel pour comprendre que notre nature répugne à ce point à vivre moralement ?
Beaucoup de moralistes l’on cru : « Choisissez, disent-ils, le chemin le plus dur, le plus escarpé, celui qui va vous écorcher les pieds et harasser vos muscles. Là est le devoir, là est le bien. »
On est alors dans la morale de l’obligation, de la contrainte – celle dont Bergson disait qu’elle est une morale « close ».
Mais il existe aussi une morale « ouverte », celle qui suscite une aspiration au dépassement de soi, celle qui est éveillée par « l’appel du héros ».
Ici, point de devoir, point de contrainte, tout effort est consenti dans la légèreté – consenti parce que c’est à l’appel du héros ou du saint qu’on répond. Un peu comme quand Jésus dit à son disciple Thomas : Je suis le chemin, la vérité, et la vie (1).
Reste qu’il vaut mieux ne pas se tromper de saint ou de héros.
(1) Jésus lui dit: Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. Jean, 14-6
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