Citation du 3 juillet 2010

Cette frontière-là, entre les lecteurs et les autres, est plus fermée encore que celle de l'argent. Celui qui est sans argent manque de tout. Celui qui est sans lecture manque du manque.

Christian Bobin – Une petite robe de fête

Quand des amis me disent :

- Je suis désespéré parce que mon fils (ma fille) ne lit jamais. Toujours devant ses écrans, jamais un livre entre les mains. Et pourtant, des livres comme tu le sais, il y en a partout à la maison.

Je réponds :

- Ne t’inquiète donc pas : il (elle) se mettra à lire quand il aura découvert dans les livres quelque chose que ses écrans ne lui donneront pas. Quelque chose que seule son imagination mise en mouvement par la lecture pourra lui faire vivre. Moi, mes enfants se sont mis à lire avec les bouquins d’heroic fantasy.

Si nos enfants ne lisent pas, c’est qu’ils n’en ont simplement pas ressenti le besoin, et ils n’en auront besoin que quand ils auront découvert des horizons nouveaux grâce à la lecture. C’est là qu’ils sauront ce qui leur manque en ne lisant pas, parce qu’on ne saurait découvrir le plaisir avant le désir – ni bien sûr avant le besoin.

Seulement comment faire découvrir un besoin si on ne le ressent pas ? Il faut quand même un peu de roublardise, pour susciter non le plaisir mais le besoin.

Et là, je coince un peu : parce que nous trouvons exactement le propos des publicitaires. L’art du publicitaire est en effet non pas comme on le dit assez platement de faire rêver – sans quoi on consommerait de la publicité et basta ! – mais de nous faire désirer en nous révélant le plaisir qui nous manque. La publicité elle aussi travaille sur le manque du manque.

Je coince, parce que je me dis que j’aurais besoin de manipuler mes petits pour leur faire lire Proust ( !) exactement comme le pubeux pour vendre son Coca-Cola : je trouve cela désolant.

… Quoique ça vaut peut-être le coup d’essayer, parce que après avoir lu Proust, votre rejeton ne verra plus ni ne sentira plus les aubépines comme avant, et cette expérience là, ce sera non seulement un plaisir de plus, mais aussi comme une richesse de plus. Même chose avec les petites madeleines…

Tiens, voilà l’idée : pour faire découvrir les avantages du livre à vos bambins, offrez leur un bouquin de cuisine : Les Madeleines du Petit Marcel.