Sunday, July 18, 2010

Citation du 19 juillet 2010

Soyez toujours modeste, jamais humble. La modestie est la qualité d'un honnête homme. L'humilité est la qualité d'un lâche, d'un fourbe, d'un sot, ou la vertu d'un chrétien.

La Beaumelle – Mes pensées ou Le qu'en dira-t-on (1752)

Ce qui fait la qualité du lâche, du fourbe, du sot, fait aussi la vertu d’un chrétien : étonnez-vous qu’après ça La Beaumelle ait été embastillé !

La distinction entre la modestie et l’humilité a été bien des fois évoquée avec beaucoup de finesse : je ne me risquerai pas à redire tout cela (1).

Donc, sans reprendre ce que les textes indiqués en note ajoutent à notre citation de La Beaumelle, et en remontant un peu en amont de son jugement, je crois que l’humilité comme la modestie (à supposer qu’elle ne soit pas feinte) posent le même problème : celui de l’auto-évaluation.

C’est l’angoisse des jeunes : qu’est-ce que je vaux se demandent-ils ? Je veux bien être modeste et humble, mais je veux savoir pourquoi – et jusqu’où ? Ce serait intéressant de justifier leur besoin de reconnaissance par ce fait : savoir ce qu’ils valent.

On dira que ce besoin ne débouche pas nécessairement sur l’humilité – et encore moins sur la modestie. Certes.

Tout le problème tient alors dans le point de repère choisi pour s’évaluer : on dit bien qu’au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Mais faut-il vraiment rechercher les aveugles pour paraître clairvoyant ?

Tel est le sens du stade religieux de la vie selon Kierkegaard : nous amener à rire de nous et de notre prétention à valoir quelque chose devant Dieu. Oui, Dieu est l’aune à la quelle il faut nous mesurer, même si – et surtout parce que – notre petitesse doit en être reconnue.

Voilà pourquoi La Beaumelle a été embastillé : non pas pour avoir humilié les chrétiens, mais pour avoir, par sa méconnaissance du sens l’humilité véritable, prouvé qu’il était non pas uniquement un protestant (ce qui déjà le rendait peu recommandable), mais surtout un abominable athée.


(1) Voir par exemple La Bruyère et Voltaire (à lire ici)

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