Mardi 14 juillet [1789] – Rien.
Extrait du Journal de Louis XVI
Une page par mois, une ligne par jour. Le journal de Louis XVI n’est pas tenu chaque jour mais rédigé le mois suivant, à partir de notes quotidiennes qu’ensuite il jetait. « 14 juillet : rien » n’a donc pas été écrit le 14 juillet 1789, dans l’ignorance de la suite, mais en août, en connaissance de cause. (1)
Que n’a-t-on dit de l’aveuglement de Louis XVI qui écrit dans son journal à la date du 14 juillet 1789 « Rien », comme si la prise de la Bastille n’avait été pour lui qu’une péripétie insignifiante.
Il est vrai qu’on dit aussi que cet évènement n’entrait pas dans le cadre des fait retenus pour ce journal qu’on appelait à l’époque « Livre de raison » (2) : Louis XVI notait essentiellement ses sorties de chasse et exceptionnellement des évènements aux quels il avait pris part. La prise de la Bastille, il n’y était pas, donc il n’en parle pas.
Il reste pourtant quelques exceptions : durant la fuite à Varennes et le retour à Paris, Louis XVI note les épisodes principaux ; mais il conclut la période de l’arrestation de Varennes, le 28 juin 1791 en écrivant : J’ai pris du petit lait (3).
Voilà : ce qui frappe surtout c’est la mise à plat de tous les évènements, leur isotonie si je puis dire. Ils ont tous la même importance ce qui produit un nivellement par le bas.
Ajoutons ce qui n’est sûrement pas un détail : Louis XVI tenait ce Livre depuis l’âge de 11 ans et il avait toujours le même principe (que nous avons signalé plus haut) : une page par mois, chaque mois étant recopié le mois suivant à partir de notes prises au fur et à mesure, ce qui laissait le temps de rectifier au cas où un évènement n’eut pas été connu sur le champ. On ne saura sans doute jamais quels étaient les états d’âme du roi quand il traçait les lignes de ce journal. Mais je me plais à penser que son éducation l’avait forgé pour rester impavide dans la tourmente.
On devrait bien en faire autant.
--> Je commence aujourd’hui :
14 juillet 2010 : pris le pastis sur ma terrasse.
(1) Voici les deux semaines qui encadrent le 14 juillet :
Mardi 7 Chasse du cerf à Port-Royal, pris deux.
Mercredi 8 Rien.
Jeudi 9 Rien. Députation des États.
Vendredi 10 Rien. Réponse à la députation des États.
Samedi 11 Rien. Départ de M. Necker.
Dimanche 12 Vêpres et Salut. Départ de MM de Montmorin, Saint-Priest et la Luzerne.
Lundi 13 Rien.
Mardi 14 Rien.
Mercredi 15 Séance à la salle des États et retour à pied.
Jeudi 16 Rien.
Vendredi 17 Voyage à Paris et à l’Hôtel de Ville.
Samedi 18 Rien.
Dimanche 19 Vêpres et salut. Retraite de MM. De Montmorin et Saint-Priest.
Lundi 20 Promenade à cheval et à pied dans le petit parc, tué dix pièces.
Mardi 21 Rien. Retraite de M. de la Luzerne. Le cerf chassait au Butard.
(2) Livre de raison désignait un Journal dans le quel le chef de famille inscrivait, avec ses comptes, les événements tels que naissances, mariages, etc., et ses propres réflexions.
(3) Texte [Rappelons que reconnu et arrêté à Varennes dans la nuit du 21 au 22 juin 1791, le roi repart pour Paris le 22 juin tôt le matin]
Lundi 20 Rien.
Mardi 21 Départ à minuit de Paris, arrivé et arrêté à Varennes en Argonne à onze heures du soir.
Mercredi 22 Départ de Varennes à 5 ou 6 heures de matin, déjeuné à Saint-Menehoul, arrivé à 10 heures à Châlons, y soupé et couché à l’ancienne Intendance.
Jeudi 23 À onze heures et demie on a interrompu la messe pour presser le départ, déjeuné à Châlons, dîné à Epernay, trouvé les commissaires de l’Assemblée auprès du pont à Buisson, arrivé à onze heures à Dormans, y soupé, dormi 3 heures dans un fauteuil.
Vendredi 24 Départ de Dormans, à sept heures et demie, dîné à la Ferté-sous-Jouarre, arrivé à onze heures à Meaux, soupé et couché à l’Évêché.
Samedi 25 Départ de Meaux, à 6 heures et demie, arrivé à Paris, à 8 h. sans s’arrêter.
Dimanche 26 Rien du tout, la messe dans la galerie. Conférence des commissaires de l’Assemblée.
Mardi 28 J’ai pris du petit lait.
No comments:
Post a Comment