Le moyen qu'ils choisissent pour échapper au réel : terrorisme, amour, érotisme, drogue, aventures
Mauriac – Journal 2, 1937
Le vice appelé Surréalisme est l'emploi déréglé et passionnel du stupéfiant image.
Louis Aragon – Le Paysan de Paris
La drogue a trois effets :
- D’abord elle produit une jouissance.
- Ensuite elle détourne du réel.
- Enfin elle crée une dépendance (ce qu’on nomme de nos jours addiction).
Retenons de la citation de Mauriac deux idées :
- La première, c’est que la drogue a pour fonction principale de nous détourner du réel. C’est bien ce que nous pensons aujourd’hui encore, quand nous disons que sa consommation est l’indice d’une désespérance.
- La seconde, c’est que la drogue n’est qu’un moyen parmi d’autres d’obtenir ce résultat, et que de ce point de vue la drogue ressemble au terrorisme, à l’amour, à l’érotisme, aux aventures.
Sur le premier point, voilà ce qui devrait nous faire réfléchir : si, dans la drogue on ne condamne que l’addiction, on fait bon marché de ses autres effets : plaisir et irréalisme.
--> Que le plaisir soit un puissant moteur de notre vie, ça va de soi. Mais, qu’on le trouve trop facilement et trop puissamment, et voilà le moteur qui tombe en panne. Seulement, ce n’est pas le cas uniquement avec la drogue : qu’on se rappelle des délices de Capoue (1).
--> Quant à l’irréalisme, on se doute bien qu’une fois qu’on y est entré on ait du mal à en sortir. Je me rappelle des jeux de rôles dont la passion avait saisi la jeunesse il y a 10 ou 15 ans. « Catastrophe ! disait-on alors : ces jeunes croient d’avantage à la réalité des sorciers et des murs de feu, ils ne savent même plus que les études et le travail les attendent. » « Certains (disait-on encore) vont jusqu’à déprimer, voire même se suicider quand leur personnage est tué ».
Seulement – et ce sera le second point – on oublie (tout comme Mauriac) de citer l’art et la création artistique comme moyen d’échapper à la réalité en engendrant un autre monde, un mode fait de poésie, de musique, de couleurs et de formes. Toutes ces créations sont autant de refuges (et autant de jouissances) pour ceux dont l’âme ne peut se contenter du réel, et qui ne se contentent pas non plus des paradis artificiels.
Et c’est cela que nous rappelle Aragon.
Qu’il évoque à ce propos le stupéfiant image ne signifie d’ailleurs pas que certains – dont Baudelaire – n'aient pas hésité à cumuler les hallucinations de la drogue avec les transports poétiques.
(1) À lire par ceux qui auraient oublié leur culture classique.
No comments:
Post a Comment