Le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire.
Barthes – Discours au Collège de France
Il y a des choses toutes simples comme celle-là qu’on oublie, parce qu’elles sont ensevelies sous des tonnes de croyances, de on-dit, de contre vérités.
Rétablissons la vérité : par exemple que la véritable dictature sur les esprits s’exerce non pas dans les interdits de la censure, mais dans les formules et les discours obligés qu’elle nous fait tenir. Dans un post récent nous évoquions la langue de bois : elle en fait partie.
Ainsi :
- la juste lutte du peuple ;
- les valets du capitalisme ;
- travailler plus c’est le moyen de gagner plus (1) ;
- etc…
Si on m’impose le silence sur mes opinions, je suis dans l’incapacité de les communiquer, c’est évident – mais c’est tout.
Par contre si on m’oblige à tenir un discours qui va à l’encontre de ce que je pense, et que bien sûr je ne peux exprimer, j’ai en plus de l’obligation de ne pas dire, celle de dire faux, et d’incarner le personnage qui va avec. Comment les ministres font-ils pour assumer une pareille chose ? J’ignore.
Je voudrais rappeler maintenant que ce que dit ici Barthes concernant le langage vaut aussi pour n’importe quel comportement.
Au point qu’on a pu dire que la dictature consiste non pas à interdire, mais à autoriser… Bizarre ? Oui, mais compréhensible si on formule correctement la chose.
Et donc, la dictature ne consiste pas à dire :
« Tout ce qui est interdit pas la loi n’est pas autorisé. »
Mais bien plutôt :
« Tout ce qui n’est pas autorisé par la loi est interdit. »
Dans le premier cas je peux inventer toutes sortes d’espaces pour ma liberté, parce que la loi ne saurait couvrir le domaine entier de mon imagination.
Dans le second on délimite à l’avance l’espace de mon action, et donc on condamne tout ce que je pourrais inventer ensuite.
(1) Oui, je sais : vous auriez été déçu de ne pas le retrouver ici celui-là…
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