Cette évocation de la nuit et du jour me semble douée du pouvoir de nous surprendre et de nous enchanter. J’appelle ce pouvoir la poésie.
René Magritte – Cité par le Musée Magritte de Bruxelles
- Ci-contre : Magritte: L’empire des lumières (1954)
Pour ceux qui croient que peinture figurative et réalisme vont de paire, l’œuvre de Magritte ne peut qu’être salutaire. Si la peinture devait reproduire ce que la réalité nous présente, elle n’aurait réellement aucun intérêt.
Contre cette croyance, Magritte et son fameux secret. La peinture a pour rôle de faire éclater, de rendre évident le secret des choses. Non pas pour le dissiper. Mais bien au contraire pour nous faire prendre conscience de son existence.
Mais souvent, comme ici, ce secret qui recèle la poésie du monde résulte de la juxtaposition de ce qui ne se voit que séparément. Ainsi de la maison plongée dans la nuit sous le ciel de midi.
- De quel secret s’agit-il ? Si on pouvait le dire ce ne serait plus un secret. Et d’ailleurs Magritte refuse obstinément de commenter ses propres toiles (1).
Le philosophe (2) prendra le risque de dire que le secret, c’est la réalité elle-même débarrassée de son vêtement utilitaire. L’artiste est celui qui dira que la porte jaune n’a pas la même taille selon la manière dont elle est éclairée, qu’il voit le dessus de la table vertical sans que la bouteille posée dessus ne tombe ; et que son imagination lui permet de coller ainsi la maison nocturne sous le ciel bleu.
Platon méprisait la peinture la considérant comme le reflet d’une apparence. Le peu de réalité conservé par l’apparence disparaît dans sa représentation. C’est ce que la modernité refuse : il y a dans l’apparence une réalité supérieure qui se donne à voir pour qui sait voir. C’est ce qu’on a appelé la surréalité.
(1) Notez que c’est le propre de la plupart des artistes, qui à l’encontre des romanciers, refusent d’expliquer leurs œuvres, laissant les critiques prendre ce risque.
(2) Nous pensons à Bergson.
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