On peut toujours apprendre ce qu'on ne sait pas, non ce qu'on croit savoir.
Gustave Thibon – L'ignorance étoilée
Cette citation est à mettre à côté de « Savoir, c’est savoir qu’on sait » d’Alain : elle pose que pour apprendre, il faut une connaissance préalable des frontières du savoir. Pas de science sans frontière ! Pas de sans papier dans le royaume du savoir! On ne découvre jamais que ce qu’on cherche, et on cherche que ce dont on a reconnu l’absence. L’ignorance qu’on peut combler, c’est l’ignorance savante, celle qui commence de l’autre côté des limites du savoir.
- En face de ça, il y a l’ignorance qui s’ignore, celle qui n’apparaît pas comme telle à la conscience. Il ne s’agit pas de la foultitude de choses que j’ignore sans même me douter que ça existe, comme l’entomologiste qui découvre en Amazonie une nouvelle espèce de papillon à 8 ailes dont il n’avait même pas soupçonné la possibilité. Non. Il s’agit de l’ignorance qui correspond à une erreur, à un jugement qu’il faudra remplacer par un autre pour atteindre la vérité.
Mais il y a plus : l’ignorance qui s’ignore est aussi le préjugé arrogant, celui qui dit : « Je sais, je sais, je sais » (1). Il s’agit non pas de remplir l’espace laissée vacant par un vide, une vacuole dans le savoir, pas plus que de remplacer une erreur par une vérité comme le mécanicien remplace la pièce usée de la machine, mais de batailler ferme pour éliminer un occupant indu, un usurpateur.
Ces préjugés nous donnent à croire qu’on sait, avec toutes les couleurs et la force de la vérité. Elles nous viennent, comme l’a dit Descartes, de notre enfance et la responsabilité en incombe à nos éducateurs peu soucieux de nous guider vers le vrai.
Aujourd’hui les psychosociologues parlent plutôt de représentations socioculturelles : venues du milieu familial, social, ces croyances ont toutes la force de la certitude, et elles ne sont le plus souvent battues en brèche que si d’autres représentations également socioculturelles viennent prendre leur place. Un exemple ? Le Père Noël : pour cesser d’y croire, l’enfant a besoin des « vérités » qui circulent dans la cour de récréation – où bien d’autres choses traînent également, dont je ne me ferai pas l’écho. Simplement on devine qui le combat contre les préjugés est un combat qui n’est jamais gagné soit parce qu’ils ont la peau vraiment trop dure, soit qu’ils soient trop nombreux.
(1) Oui, bien sûr : Gabin l’a chanté.
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