Les autres nous semblent toujours plus heureux que nous, et pourtant ce qu'il y a d'étrange, c'est que l'homme qui changerait volontiers sa position ne consentirait presque jamais à changer sa personne. Il voudrait bien peut-être se rajeunir un peu, pas trop encore, et marcher droit s'il était boiteux ; mais il se conserverait tout l'ensemble de sa personne, dans laquelle il trouve mille agréments et un je ne sais quoi qui le charme. Quant à son esprit, il n'en altérerait pas la moindre parcelle : nous nous habituons à nous-mêmes et nous tenons à notre vieille société.
Chateaubriand – Pensées et Premières Poésies,
Un petit jeu pour les soirées apéro avec des amis sur la terrasse de votre studette de l’été :
- Demandez leur de dire ce qu’ils feraient s’ils avaient le pouvoir de transformer leur personne, leurs caractéristiques mentales, spirituelles, affectives, leurs performances et leur aspect physique, leur age, etc…
Il faudra bien sûr exclure comme étant hors sujet les réponses portant sur la fortune, l’époque à la quelle on choisirait de vivre, les gens avec les quels on vit, le travail, etc…
On vous donnera sans doute bien des réponses qui tourneront autour de l’aspect physique : avoir des pectoraux dignes de Tarzan, et un profil de médaille grecque ; être blonde et porter du 95-D ; ou bien encore avoir 20 ans de moins, retrouver comme Faust une jeunesse perdue, et la séduction qui va avec.
Mais qui songera à réclamer un peu plus d’intelligence ? Un peu plus de sociabilité ? Un vrai talent d’artiste ?
Un conseil : ne demandez pas à vos amis pourquoi ils ne réclament rien de tout ça, parce que si vous le faites, votre apéro de demain, vous le prendrez tout seul.
Et pourquoi ? Lisez la citation de Chateaubriand jusqu’au bout :
[l’individu] se conserverait tout l'ensemble de sa personne, dans laquelle il trouve mille agréments et un je ne sais quoi qui le charme. Quant à son esprit, il n'en altérerait pas la moindre parcelle : nous nous habituons à nous-mêmes et nous tenons à notre vieille société.
Bref : chacun s’aime profondément au point de ne vouloir sous aucun prétexte changer réellement.
--> Que si l’on objecte que certains ne s’aiment pas et refusent de se montrer tels qu’ils sont parce qu’ils ont honte d’eux-mêmes, qu’on admette qu’ils ont enraciné en plein cœur, un juge supérieur qui examine leur personne avec sévérité. Un juge qui est encore – qui est déjà – eux-mêmes !
Dans la honte, c’est encore l’amour de soi qui parle. (1)
(1) C’est ce que dit Nietzsche : Celui qui se méprise s’estime de se mépriser.
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