Jorge Luis Borges – Fictions
Chaque réalité comporte une parcelle de réalité qui lui est contraire.
Et pour le blasphème, quel contraire trouverons-nous en son sein ?
Le blasphème se distingue par une part d’absolu qui contraste avec la petitesse de l’homme qui crie sa haine de Dieu – Cet absolu s’appelle Satan !
Pour comprendre la pensée de Borges, le mieux est de se confronter au choc du blasphème.
Pour un chrétien, le blasphème le plus blessant et sans doute le plus horrible est celui qui touche à la crucifixion, et en particulier celui qui représente la croix avec une femme crucifiée en lieu et place de Jésus. Au lieu de la contrition que l’on doit éprouver face au supplice du Sauveur, il n’y a que la charge érotique d’une femme à moitié dénudée.
Bettina Rheims en a fait une photo qui a connu son heure de scandale, et que je vous propose en couverture du magazine.
Toutefois, le blasphème opéré par cette image est incomplet, si l’on en croit Borges : ici, point de satanisme, tout est clean, on nous a même fait grâce du suintement du sang autour des plaies.
Borges a raison, car voilà que je tombe sur une autre représentation de la femme crucifiée, due à Félicien Rops, et représentant la Tentation de Saint Antoine.
Effectivement, voici un blasphème d’un autre genre : disons que celui-ci est dynamique. Et en effet, on voit sur ce tableau le Christ évincé par le corps de femme basculer dans le vide tandis que le démon grimaçant surgit derrière la croix du calvaire. Sous les yeux hallucinés du saint, la femme ouvre les bras non pas pour qu’ils soient cloués sur la croix, mais pour offrir sa nudité impudique à l’homme ; sur la droite, un chien au groin de porc vient compléter la mise en scène.
- Que peut-on ajouter à un tel tableau pour décrire le blasphème ?
Ceci : selon Borges, le satanisme apporte une lueur, autrement dit s’il n’existait pas il nous manquerait quelque chose.
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