Lune 2
J'aime penser que la lune est là même si je ne la regarde pas.
Albert Einstein
La lune est-elle la même quand je ne la regarde pas ? Faut-il être un génie comme Einstein pour se poser la question ? Ou bien un psychopathe, comme celui dont parle Merleau-Ponty qui se retournait pour voir si le monde continuait d’exister dans son dos ?
En réalité la question est mal posée parce que la réponse est tronquée.
Je suppose que Einstein se propose de connaître la lune (et bien sûr le cosmos) comme si l’homme n’était pas là pour les voir. Ce qui signifie non seulement que la connaissance doit être objective, mais encore qu’on ne peut y parvenir qu’à condition de faire table rase de tout ce qu’on croit connaître de l’objet étudié.
Oublier la lune qui influence le tempérament des lunatiques ; oublier la lune qui n’est là que pour éclairer nos nuits ; écarter les croyances sur la nature de la lune montante qui la distinguent de celles de la lune descendante ; et bien sûr oublier aussi la lune qui inspire les poètes et les amoureux.
Bref, jeter pardessus bord toute cette instrumentalisation de la lune qui en ferait une réponse aux besoins de l’homme, exactement comme pour comprendre le système solaire il a fallu renoncer à croire que le soleil n’était là que pour éclairer la terre de toute part également, c'est-à-dire comme un flambeau qui tournait autour d’elle.
Croire que la lune est la même quand je ne la regarde pas, c’est accepter l’idée que mon existence – et celle de l’humanité en général – n’a aucun impact sur l’univers, qu’il soit lointain comme Aldébaran, ou proche comme notre astre des nuits.
Toutefois, comme le disait Freud, accepter cela c’est s’infliger une humiliation narcissique. (1)
(1) Freud – Une difficulté de la psychanalyse (voir le texte ici)
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