Il faut tout prendre au sérieux, mais rien au tragique.
Thiers – Discours à l' Assemblée Nationale - 24 Mai 1873
En 1873, le sort politique de la France était en effet à prendre au sérieux, et pour ce qui est du tragique, la défaite de 70 était encore dans toutes les mémoires…
Néanmoins je suppose qu’en 1873, quand on parlait de tragédie, outre la défaite de Sedan, on devait encore avoir en tête les exemples de la tragédie grecque, avec Eschyle, Sophocle, Euripide, et aussi Aristote, et aussi Œdipe… Tant d’exemples qui montrent l’inutilité de la lutte du héros, dont le courage désespéré s’épuise à lutter contre des forces qui l’écrasent.
On pourrait donc interpréter la phrase de Thiers comme un avertissement de ne négliger aucun effort pour faire réussir la politique de la nation, ajoutant que pour cela il ne fallait pas croire à un destin tragique qui mène inexorablement à une issue fatale, quelque soient les efforts déployés pour y remédier.
Faut-il s’en tenir là ? Je crois qu’on peut radicaliser le message un peu plus : en politique, rien n’est jamais fini, rien n’est jamais perdu. Tout est sérieux, rien n’est tragique – du moins au sens où nous l’avons dit.
Voyez le général de Gaulle, le 18 juin 1940 : la situation de la France est tragique, du moins il le semble. Mais pour lui, elle est surtout sérieuse, car il y a encore quelque chose à faire. Tout n’est pas perdu, car si la France a perdu une bataille, elle n’a pas encore perdu la guerre.
Prendre au sérieux, c’est se placer dans une logique de l’action, qui suppose un contexte dans le quel cette action va venir s’inscrire. De Gaulle inscrit la résistance dans le contexte d’une guerre mondiale et non d’un conflit franco-allemand. Si un tel contexte n’avait pas existé, alors là, oui, la situation eut été tragique et la résistance digne du héros de la tragédie grecque : condamné à lutter et à mourir écrasé par l’Histoire.
Le propre du politique est de saisir le contexte dans le quel son action va pouvoir se faufiler et porter ses fruits.
Courage, mes amis ! J’aperçois le bout du tunnel !
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