Tuesday, July 14, 2009

Citation du 15 juillet 2009

La douceur mesmes des halaines plus pures n'a rien de plus excellent que d'estre sans aucune odeur qui nous offense, comme sont celles des enfans bien sains. Voylà pourquoy, dict Plaute, Mulier tum benè olet, ubi nihil olet : la plus parfaicte senteur d'une femme c'est ne sentir à rien (trad. de Montaigne), comme on dict que la meilleure odeur de ses actions c'est qu'elles soyent insensibles et sourdes.

Et les bonnes senteurs estrangieres, on a raison de les tenir pour suspectes à ceux qui s'en servent, et d'estimer qu'elles soyent employées pour couvrir quelque defaut naturel de ce costé-là. D'où naissent ces rencontres (bons mots) des Poëtes anciens, c'est puïr (puer), que sentir bon.

Montaigne – Essais, Livre I, chapitre 55 (Des senteurs)

C’est puïr que sentir bon…Allez, un petit tour du côté de Montaigne, notre parfumeur en chef…

Je plaisante, bien sûr, car si quelqu’un est hostile au parfum, c’est bien lui. Encore qu’il ne le soit pas pour ce qui est des odeurs, comme on l’a constaté avec son immortelle apologie des moustaches.

En espérant ne pas nous répéter, nous reviendrons aujourd’hui sur cette méfiance à l’égard du parfum. Montaigne fait comme si le parfum servait essentiellement à masquer certaines mauvaises odeurs corporelles ; et sans doute avait-il de la chose une expérience que nous n’avons plus (1).

En réalité, cette méfiance à l’égard du parfum tient surtout au pouvoir de séduction qu’il exerce sur les hommes. Et plus encore : parlons du pouvoir tout court exercé par les odeurs dans leur ensemble sur l’être humain en général. On pourrait détailler, évoquer l’attrait des senteurs culinaires, que savent répandre les fabricants de viennoiseries comme les rôtisseurs de poulet. Mais le plus simple est de lire le roman de Patrick Süskind, Le parfum (2), dont un film a été récemment tiré.

Le plus extraordinaire dans cette histoire n’est pas tant celle de ce meurtrier doué d’un odorat de chien de chasse. L’épisode le plus saisissant intervient à la fin, lorsqu’il domine une foule hostile par l’odeur dont il s’est imprégné.

Les biologistes ont insisté sur le rôle joué dans le monde animal par les phéromones. Ils nous apprennent que chez l’homme, il y a production de phéromones, mais pas les capteurs ad hoc. Façon de dire que les phéromones n’ont pas d’odeurs du moins que ce n’est pas par là qu’elles agissent.

Ça veut dire :

1° qu’on n’est pas des bêtes ;

2° que les odeurs ont sur nous une action spirituelle et non simplement physiologique.


(1) Je me suis laissé dire que l’usage de l’éventail chez les belles dames de la cour avait pour objet non pas de les rafraîchir, mais de dissiper les odeurs nauséabondes répandues dans le voisinage par certains individus.

(2) Wikipedia lui a consacré un article.

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