Lune 1
Les mathématiciens étudient le soleil et la lune et oublient ce qu'ils ont sous les pieds.
Diogène Le Cynique
Voilà ce que l’épopée des astronautes américains il y a 40 ans a contribué à effacer : on peut être dans la lune sans perdre le sens des réalités.
Mais enfin, comment a-t-on pu prendre la lune comme symbole de l’absence de réalisme, voire même comme preuve de la rêverie tenace ?
Je crois que les grecs y sont pour quelque chose, et l’anecdote rapportée par Diogène et développée par Platon (cf. l’annexe en fin de message) nous le montre plaisamment.
Toutefois, si vous avez eu le courage de lire le texte de Platon jusqu’au bout, vous aurez constaté que la leçon qu’il tire de cette anecdote n’est pas tout à fait la même : ce qu’on peut reprocher aux savants spéculatifs (dont les philosophes), ce n’est pas d’ignorer les phénomènes naturels, mais de ne pas comprendre les hommes aux yeux des quels il passe pour un imbécile.
Toutefois, le reproche fait par Diogène aux mathématiciens n’est pas tout à fait juste, puisque, dit-on, la même année Thalès, prévoyant grâce à ses observations du ciel un été très chaud pour les mois à venir – phénomène qui garantissait une récolte d’olives exceptionnelle - acheta tous les moulins à huile qu’il pût trouver, les louant à prix d’or quand les besoins qu’il avait prévus se firent sentir.
Il faut connaître le ciel pour mieux connaître la terre.
Est-ce bien cela qui a constitué la leçon de la mission lunaire américaine ?
Regardez l’image ci-dessous et dites moi à quel genre d’action était dédiée la mission Apollo.
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Annexe – Platon, Théétète
Socrate : L’exemple de Thalès te le fera comprendre, Théodore. Il observait les astres et, comme il avait les yeux au ciel, il tomba dans un puits. Une servante de Thrace, fine et spirituelle, le railla, dit-on, en disant qu’il s’évertuait à savoir ce qui se passait dans le ciel, et qu’il ne prenait pas garde à ce qui était devant lui et à ses pieds. La même plaisanterie s’applique à tous ceux qui passent leur vie à philosopher. Il est certain, en effet, qu’un tel homme ne connaît ni proche, ni voisin ; il ne sait pas ce qu’ils font, sait à peine si ce sont des hommes ou des créatures d’une autre espèce ; mais qu’est-ce que peut être l’homme et qu’est-ce qu’une telle nature doit faire ou supporter qui la distingue des autres êtres, voilà ce qu’il cherche et prend peine à découvrir. Tu comprends, je pense, Théodore ; ne comprends-tu pas ?
Théodore : Si, et je pense que tu dis vrai.
Socrate : Voilà donc, ami, comme je le disais en commençant, ce qu’est notre philosophe dans les rapports privés et publics qu’il a avec ses semblables. Quand il est forcé de discuter dans un tribunal ou quelque part ailleurs sur ce qui est à ses pieds et devant ses yeux, il prête à rire non seulement aux servantes de Thrace, mais encore au reste de la foule, son inexpérience le faisant tomber dans les puits et dans toute sorte de perplexités. Sa terrible gaucherie le fait passer pour un imbécile. Dans les assauts d’injures, il ne peut tirer de son cru aucune injure contre personne, parce qu’il ne connaît aucun vice de qui que ce soit, faute d’y avoir prêté attention ; alors il reste court et paraît ridicule.
Platon – Théétète (174a)
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