Si tu pleures de joie, ne sèche pas tes larmes : tu les voles à la douleur.
Paul-Jean Toulet – Les trois impostures
Pourquoi pleure-t-on de joie ?
Des émotions aussi opposées que la joie et la douleur s’expriment par des larmes :
- s’agit-il d’une simple particularité physiologique, qui entraînerait mécaniquement la sécrétion de larmes dans certaines conditions ? Moyennant quoi elles n’auraient pas de signification particulière.
- Ou bien y a-t-il une parenté secrète entre elles ? La joie serait-elle une douleur qui a bifurqué vers autre chose ? Une douleur dénaturée ?
- Notre auteur opte semble-t-il pour une troisième solution : les larmes sont l’expression d’un paroxysme de souffrance, mais comme nous n’avons pas dans notre lexique des émotions l’équivalent pour un paroxysme de joie, alors on pleure de joie… On pleure de joie par défaut, parce que nous ne savons pas quoi faire d’autre…
Les larmes ont en outre c’est certain un caractère historique et culturel :
- Il y a des civilisations où on pleure abondamment et bien bruyamment lors des deuils ; l’antiquité a même eu des pleureuses quasi professionnelles ;
- Quant au 18ème siècle, il est celui où on versait des torrents de larmes : Rousseau raconte qu’il pleurait en lisant à Thérèse les pages de la Nouvelle Héloïse qu’il avait écrites dans la journée.
--> Mais aujourd’hui les larmes sont perçues plutôt sur le versant psychologique : elle sont l’expression – mieux même : l’occasion – d’une décompensation des émotions. Un peu comme la catharsis d’Aristote, elle permettent d’évacuer la tension émotionnelle, elles sont ce que la cellule de soutien psychologique vise à obtenir en faisant parler les victimes après l’accident.
Et donc : si une dame pique devant vous une grande crise émotionnelle, qu’elle casse le vase de fleurs, qu’elle vous griffe ou vous insulte, n’hésitez pas : giflez là. Si elle pleure, alors vous pourrez vous dire que vous lui avez fait du bien.
Et encore : si nous ne pleurions pas dans les plus grandes joies, c’est alors que nous souffririons.
Soit… N’empêche que ça a quand même moins d’allure que de dire que les larmes de joies sont dérobées à la douleur.
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