Monday, October 18, 2010

Citation du 19 octobre 2010


Quand on lit trop vite ou trop doucement on n'entend rien.
Pascal – Pensées (Lafuma 41)
Voilà une idée toute simple, mais qui pourrait néanmoins surprendre : il y a une bonne vitesse pour lire, et pour celui qui ne la respecte pas, la lecture risque bien d’être une perte de temps.
- Chacun conviendra que lire trop vite est un défaut parce qu’on risque de ne pas se rendre compte des fautes de frappes (comme le montre le texte ci-contre) - voire même de lire à contre sens. .
Mais on peut aussi lire trop lentement, et alors on perd en chemin la pensée de l’auteur, le rythme du texte, et peut-être même le sens de la phrase (surtout si elle est un peu longue – pensons à Proust).
On pourrait dire ainsi que la vitesse de la lecture est commandée non pas par les capacités du lecteur mais par la nature du texte, ce qui signifie qu’il n’y a pas une bonne vitesse de lecture mais autant de vitesses recommandables que de textes différents.
- Mais on pourrait dire aussi réciproquement que certains textes changent de nature selon la vitesse à la quelle on les lit.
C’est du moins ce qu’on peut imaginer en lisant Barthes qui, dans Le plaisir du texte, explique que la vitesse de la lecture est commandée par la jouissance éprouvée (ou recherchée) par le lecteur ; il peut même sauter des pages pour retrouver plus vite les passages qui lui apportent ce qu’il cherche. Lire ainsi transforme le livre – quel qu’il soit – en livre « qu’on lit d’une main » (1).
On idolâtre les méthodes miraculeuses qui nous permettent d’améliorer nos capacités dans la gigantesque compétition qui nous oppose – du moins c’est ce que nous croyons – à nos semblables. Du temps où la lecture était encore un moyen de l’emporter (c’était il y très longtemps… dans les années 70) on ne jurait que par les méthodes de lecture rapide qui permettaient à ceux qui les maîtrisaient d’avaler un bouquin en moins de temps qu’il n’en fallait aux autres pour lire la 4ème de couverture…
Encore des bêtises, parce que nous, pauvres naïfs que nous étions, nous n’avions pas réalisé que ce qui compte, c’est ce n’est pas seulement ce qu’on trouve dans notre lecture, mais aussi ce qu’on laisse de côté.
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(1) Ne protestez pas devant la vulgarité de cette expression car sachez que je ne l’aurais jamais utilisée si Rousseau lui-même ne l’avait fait :
« Cependant si mon goût ne me préserva pas des livres plats et fades, mon bonheur me préserva des livres obscènes et licencieux: non que la Tribu, femme à tous égards très accommodante, se fît un scrupule de m'en prêter; mais, pour les faire valoir, elle me les nommait avec un air de mystère qui me forçait précisément à les refuser, tant par dégoût que par honte; et le hasard seconda si bien mon humeur pudique, que j'avais plus de trente ans avant que j'eusse jeté les yeux sur aucun de ces dangereux livres qu'une belle dame de par le monde trouve incommodes, en ce qu'on ne peut les lire que d'une main. » Confessions Livre I

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