O le désespoir de Pygmalion, qui aurait pu créer une statue et qui ne fit qu’une femme!
Alfred Jarry – L’Amour absolu
Magritte II
A force de seriner tout le temps les mêmes anecdotes, on finit par s’en lasser et par les raconter à l’envers, histoire de les renouveler.
Ainsi de Pygmalion et de sa statue Galatée, qui obtint de Vénus la grâce de la métamorphoser en femme véritable à la quelle il s’unit.
- Par exemple on peut imaginer que Pygmalion soit la statue et Galatée le sculpteur :
Paul Delvaux - Pygmalion
- Ou alors, on pourrait dire que c’est plutôt le contraire dont il aurait fallu rêver – que Pygmalion créât une statue mais que la grâce qu’il demandât fut qu’elle restât de marbre ? C’est du moins ce que suggère notre citation-du-jour.
Mais Jarry passe un peu à côté de l’essentiel. Galatée n’est pas une femme comme une autre : c’est une femme qui est juste à la mesure du désir de l’homme. Autrement dit, elle est un pur fantasme, un rêve qui aspire à devenir réalité.
Seulement voilà : le fantasme est un désir, et comme tel il ne peut jamais s’inscrire tout à fait dans la réalité. Que Pygmalion ne trouve que dans sa statue la femme qu’il peut aimer d’un amour fou s’explique non seulement parce que les femmes de Chypre sont des abominables salopes (voir ici), mais encore parce que seule l’œuvre d’art peut donner consistance à son désir-de-femme.
Oui mais, l’œuvre d’art est aussi une métaphore de la distorsion qui sépare le fantasme de la réalité : Galatée reste de marbre, tant qu’Aphrodite ne vient pas l’animer.
C’est ainsi que Magritte représente le mythe de Pygmalion en saisissant non pas le moment où Galatée s’anime, mais celui où Pygmalion la crée.
Exit la déesse, et exit surtout le miracle de la métamorphose – d’où le titre de son œuvre : La tentation de l’impossible.
René Magritte – La tentation de l’impossible
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