L’odieux fantôme ouvre la gueule, et, d’un ton assorti au reste de l’apparition, me répond : Che vuoi ?
Cazotte – Le diable amoureux. (1)
La véritable tragédie de Faust, ce n’est pas qu’il ait vendu son âme au diable. La véritable tragédie, c’est qu’il n’y a pas de diable pour acheter votre âme. Il n’y a pas preneur.
Romain Gary – La promesse de l’aube, chapitre XVII
Halloween… La Toussaint… La nuit des morts vivants, des fantômes, des démons, de la Grosse citrouille…. Peut-être vous êtes-vous dit que c’était le moment idéal pour invoquer le Diable, pour pactiser avec lui, vous attendant à entendre résonner son caverneux Che vuoi…
Oui, mais voilà – il faut vous l’avouer : ça ne sert à rien, parce que le Diable n’existe pas. Même si nous ne savons pas s’il y a Quelqu’un dans le ciel, nous devons savoir qu’il n’y a personne sous terre.
Bon… Mais pourquoi serait-ce une tragédie ? Après tout, fini l’enfer, le pal, l’huile bouillante… Même les autres ne nous tourmenterons pas indéfiniment. (2) Le pied !
Voyons ce qu’en dit notre auteur. Il reprend le mythe de Faust à propos de sa propre recherche d’un absolu. Faust cherchait l’éternelle jeunesse, ou bien la science totale ; Romain Gary se souvient : tout jeune, il voulait devenir un jongleur virtuose, et pour cela il lui fallait arriver à jongler avec 7 balles au lieu de seulement 6 : performance hors de sa portée pour, et seul un pacte avec le Diable le lui aurait permis.
Pas de Diable, personne pour nous fournir l’Absolu, clés en main : comme nous ne savons pas renoncer à l’Absolu, quand bien même nous le savons hors de notre portée, nous voilà condamnés à chercher à atteindre toute notre vie ce que pourtant nous savons être inaccessible. C’est très exactement ce qu’on appelle une situation tragique.
Mais du coup, nous voilà aussi devenus des héros. Pas si mal…
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(1) « À peine avais-je fini, une fenêtre s’ouvre à deux battants vis-à-vis de moi, au haut de la voûte : un torrent de lumière plus éblouissante que celle du jour fond par cette ouverture ; une tête de chameau horrible, autant par sa grosseur que par sa forme, se présente à la fenêtre ; surtout elle avait des oreilles démesurées. L’odieux fantôme ouvre la gueule, et, d’un ton assorti au reste de l’apparition, me répond : Che vuoi ? »
(2) Sartre – Huis clos.
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