Le monde de l'art n'est pas celui de l'immortalité, c'est celui de la métamorphose.
Malraux – Antimémoires,
Qu’est-ce que l’art ? Qui donc pourra le définir ?
Malraux peut-être : Le monde de l'art … est celui de la métamorphose.
Voilà une définition sans doute beaucoup trop large mais qui a au moins le mérite de localiser l’art : nous savons que l’art est métamorphose, même si nous ne savons pas encore de quelle métamorphose il s’agit.
[On pense ici à Platon qui pour définir le sophiste, en cherche le concept un peu comme on traque le gibier dans un bois : il faut le localiser et puis ensuite réduire progressivement son territoire jusqu’à ce qu’on l’aperçoive enfin].
Bien entendu, selon les formes d’art la métamorphose devra se définir différemment : ce que métamorphose le musicien n’est pas identique à ce que métamorphose le peintre ou le danseur. Mais enfin, nous voici sur la voie, peut-être pourrons-nous nous débrouiller tout seuls à partir de là.
Voyez le cas de la peinture : il s’agit d’images qui ne sont pas la réalité, qui métamorphosent le monde, quand bien même elles en conserveraient l’aspect.
Pour le vérifier, il est très simple de tenter l’aventure consistant à reproduire par photo un tableau.
Nous avions déjà rencontré cette œuvre de l’Ecole de Fontainebleau représentant Gabrielle d’Estrées et de sa sœur dont le geste annonce la future maternité (1).
Maintenant, voyez cette « reproduction» photographique trouvée sur le Web. Que vous montre cette photo ? Et quelle différence peut-on noter par rapport au tableau ?
Sans porter aucun jugement sur l’anatomie des dames – que je ne connais d’ailleurs pas – qui ont posé pour le photographe, on dira que rien ne nous retient dans cette image. Mettez-là dans un Musée avec un joli cadre autour, et vous verrez que personne ne la regarde. Par contre allez sur le Web, et vous verrez l’incroyable quantité de sites qui vous proposent la reproduction de ce tableau.
Si ce tableau nous « interpelle » ainsi, ce n’est donc pas parce qu’il nous montre deux femmes à demi nues, mais deux femmes métamorphosées par l’œuvre du peintre.
Métamorphose ? Oui : le tableau nous montre ce qui n’existe pas dans la réalité, à savoir l’harmonie entre les tons, les formes, les expressions… Jamais une photo ne pourrait atteindre à une telle précision dans la fusion des éléments représentés. (2)
La peinture à l’huile, c’est bien difficile dit la comptine : mais c’est quand même moins difficile que la photographie.
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(1) On peut trouver cet intéressant historique du tableau avec ses variantes ici.
(2) Je laisse volontairement de côté la photo d’art qui, comme toute œuvre d’art n’a de comptes à rendre qu’à l’artiste et non – comme ici – au modèle.
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